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Titre du blog : Notre Algérie
Auteur : hermancehenrialgerie
Date de création : 22-08-2010
 
posté le 25-08-2010 à 14:07:28

RETOUR D'UN PIEDS NOIRS 44 ANS APRES...Troisième partie

 

 

Mon Algérie, 3ème partie. 

L’arrivée en bateau sur la capitale Algérienne est un inévitable premier coup de foudre avec le pays. Phénomène collectif qui marque pour toujours le visiteur qui arrive pour la première fois en rade d’Alger.

 

 

 

 

Du rêve à la réalité.

Ce voyage, j'en ai longtemps rêvé. Une fois la décision prise un plaisir insatisfait me plongea pendant plusieurs mois dans des rêveries sans fin où je revenais sans cesse sur tous les lieux de ma jeunesse. Un nombre incalculable d'images et de personnes complètement oubliées, sorties d'une mémoire presque intacte réapparaissent dans ces épisodes très embrouillés où curieusement toute forme de violence est gommée.

 

Je viens d'apprendre par un ami retrouvé, J.L F que le Sport Nautique de la Pointe Pescade a totalement disparu. Enorme déception car en rêve j'y étais souvent retourné. Des flash, amusants ou tragi-comiques me reviennent constamment comme par exemple l'aventure de ce brave monsieur Torjman qui tenait un« rhanout » entre Belcourt et Hussein Dey et qui fut victime par trois fois de tentative d'assassinat. Il échappa par miracle à l'acharnement d'un fellagha certainement peu motivé ou aussi terrorisé que sa victime.

La première fois, il fut légèrement atteint, la deuxième fois le pistolet du terroriste s'enraya et la troisième aucun projectile ne l'atteint sérieusement, provocant un départ paniqué, subite et définitif vers la métropole.

 

Monsieur Torjman, de confession juive était un véritable  symbole de l'entente qui pouvait exister entre juifs et algériens, donc un cible de choix pour le FLN. 

Je me souviens également de cet instant épique qui se termina comme toujours à Bab el Oued par une franche rigolade, quand Monsieur Chouraki, un homme excessivement distingué,(et oui il y en avait à Bab el Oued) avait ceinturé le terroriste qui venait d'assassiner le bachagha qui habitait rue Rochambeau. Cette scène héroïque se passa devant l'école Rochambeau, pratiquement sous le balcon des Chouraki qui habitaient au quatrième étage du 7 rue Mazagran.

Madame Chouraki qui avait assisté de son balcon à l'intermède héroïque de son mari poussa un tel cri que son époux perdit tous ses moyens et laissa filer sa prise. Ce qui n'altéra en rien l'héroïsme de notre voisin et le respect que nous lui portions déjà.

Souvent en rêve où pendant les nombreuses insomnies qui perturbent ces nuits d'attente, les mêmes images ne cessent de revenir. La plus répétitive est toujours l'inévitable arrivée en bateau dans la rade d'Alger, le moment fatidique où je poserais le pied sur ce quai, sur cette terre cent fois, mille fois bénie par nous tous.
La demande de visas est la première blessure infligée au revenant. Comment peut on remplir sans sourciller une demande d'autorisation de se rendre dans le lieu même de sa naissance, là où reposent plusieurs générations de nos parents. Même s'il est aujourd'hui indépendant, ce pays ne devrait pas nous faire sentir par cette mesure absurde que nous sommes étrangers ! Enfin, « Paris vaut bien une messe » et caparaçonné par 44 ans de tracasseries franco-françaises, je me résous à ignorer ce détail. Après tout ne m'a-t-on pas demandé à l'ambassade de France à Tananarive de prouver ma nationalité française ! Ce qui déclencha une cascade de réflexions aigres douces qui abrégea considérablement la démarche.

A dix jours de mon départ, c'est drôle, je n'y pense plus du tout. Le visas que j'ai du envoyer de La Réunion à Paris par la poste m'est revenu en règle, les places de bateau Marseille Alger sont arrivées, une information sur le site Mémoire d'Alger de Marc Morell m'a permis de rencontrer Rachid Hammanni, aujourd'hui un fidèle ami, qui m'attend pour me véhiculer dans l'Algérois, l'hôtel El Kettani en bordure de Bab el Oued est réservé. Le compte à rebours a commencé, Alger m'attend. Le grand moment est arrivé.

 

J'ai un peu peur de mes émotions, moi qui m'était toujours dit que le jour où je reposerais le pied sur ma terre désormais Algérienne, je me baisserai à la manière du pape pour  embrasser ma terre.. Oserais je le faire ?

 

 

Aujourd'hui malgré une nostalgie toujours aussi vivante, mes sentiments à l'égard du pays sont inchangés. Un mélange démesuré d'amour et de regrets. Comme beaucoup de mes compatriotes, qui sans avoir vraiment tourné la page ou renié le passé, j'ai choisi de rejoindre ces hommes de bonne volonté, qui des deux côtés des deux rives tentent obstinément de renouer des liens jamais rompus.  

 

En illustrant une autre facette beaucoup plus ouverte et tolérante de ce que la communauté pieds noirs, la moins silencieuse, a souvent l'habitude de montrer, je pense avoir trouvé une forme salutaire d'apaisement qui se traduit en ce qui me concerne par de toniques réactions

 

Lassé de voir « nos représentants » souvent autoproclamés reprendre à leur compte ce qu'il n'est ni permis de dire ni de penser, simplement par respect pour nos compatriotes juifs et algériens, lassé de les voir s'acharner sur des sujets qui ne les concernent pas, véhiculés par des leaders d'extrême droite peu recommandables, lassé de devoir constater que ces hommes et ces femmes, pourtant mes compatriotes, presque toujours issus du petit peuple de Bab el Oued ou de Belcour continuent de proférer des discours haineux et racistes, je préfère, après 45 ans d'un constat d' inefficacité, choisir une autre voie, celle du rapprochement, de la compréhension, de la rencontre et du respect mutuel. Ce qui n'est pas toujours facile. 

 

Nous sommes de plus en plus nombreux, de part et d'autre des deux rives, à penser qu'il est temps de faire connaître et de d'exhiber les relations fraternelles qui existent depuis toujours entre tous ces enfants d‘Algérie.  C'est en précurseurs, que nous souhaitons de toutes nos forces,  ouvrir une ère nouvelle d'amitié et de respect.  

 

Dans les deux camps, une minorité d'agités complètement dépassés continuent d'entretenir un état d'esprit revanchard et une atmosphère   malsaine de revanche et de haine, occultant, camouflant et semblant totalement ignorer les réelles relations d'amitiés qui les unissent. Ces visions partisanes et à sens unique de l'histoire, largement soutenue par une propagande souvent démesurée ne trompent plus grand monde.

Savoir, vouloir découvrir et comprendre la Vérité jusqu'ici masquée ou falsifiée  ou souvent inventée   devient une nécessité absolue.

Voilà le premier pas que Pieds Noirs et Algériens sont peut être prêts à franchir ensembles.

 

Comment peut on se tromper à ce point et ne pas tirer de leçons du passé. Abandonner une fois pour toutes ces prises de positions qui, pour certains, depuis Susini et Ortiz n'ont pas évolué d'un pouce. Il faut admettre  irréparablement que la guerre d'Algérie est définitivement finie et cesser au nom des pieds noirs de proférer ce langage unique télécommandé par une idéologie d'extrême idiotie qui ne dépasse pas chez nous comme ailleurs les 5% de la société.

 

Alors comme je le demande souvent et le répète haut et fort dans toutes mes interventions associatives et autres : « Assez de discours anti sarrasins qui n'amènent rien de positif si ce n'est de raviver les haines et de nous faire passer pour des excités fascisants ».
Cette opinion est celle de la grande majorité silencieuse qui en a « ras le bol » de ces discours « africaners » qui depuis 45 ans n'ont  servi à rien, qu'à l'exclusion, qu'à la division, qu'à la haine et à l'oubli. Nombreux sont ceux qui ont décidé de mettre un bémol à toutes ces aigreurs et d'avoir au-delà de la « Tchatche », la difficile obstination de vouloir réhabiliter, dans le plus grand respect mutuel, la mémoire des deux peuples frères d'Algérie.

 

Ce voyage que j'ai souvent rêvé, maintenant est une réalité. Cette attirance pleine de craintes est contre balancée par les contacts d'amis algériens que je ne connais pas encore, mais qui par leurs nombreux messages me chavirent complètement. Le grand moment de franchir la méditerranée pour retrouver les odeurs, les jardins et les traces de quelques instants de ma jeunesse est tout près. Il me serait  bien impossible maintenant d'y renoncer.

 

Ce retour sera celui des retrouvailles et d'une réconciliation officielle et définitive avec ceux que j'aime appeler mes frères de terre. Difficile combat contre moi-même qui aura mis presque un demi siècle à murir.

Même si la réalité n'est pas au rendez vous ou à la mesure de mes rêves, ce voyage restera un grand moment que je ne serais pas prêt d'oublier. Je sais que ce pèlerinage sera empreint de tristesse, de déceptions, de colères peut être, de regrets mais aussi de joies. Je crois que la fraternité qui nous unit à ce peuple frère l'emportera et qu'au-delà de toutes les difficultés actuelles et officielles, la voie de la raison et de l'amitié l'emportera.

 

Allez « slama » je suis déjà parti, dans ma tête je suis déjà en Algérie !

Les pages qui suivent, seront sans doute pour certains d'une banalité anodine, une succession d'émotions qui ne seront peut -être pas toujours partagées. On est propriétaire de ses émotions et la question de les étaler m'a souvent paru bien inutile. Si je la tente aujourd'hui, c'est sans doute involontairement pour me libérer d'un poids mais aussi pour témoigner et laisser la traces de certains faits divers, multipliés certainement des milliers de fois dans tous les coins de notre pays, qui pourront rappeler à nos enfants comme à nos étrangers compatriotes métropolitains, que nos aïeux étaient autre chose que ces colons misérables qui ont parfois existé et qui ont mené l'Algérie à sa perte.

 

 

 L'arrivée en bateau sur la capitale Algérienne est un inévitable premier coup de foudre avec le pays. Phénomène collectif qui marque pour toujours le visiteur qui arrive pour la première fois en rade d'Alger.

 

A 5 h du matin, sur le pont supérieur j'assiste au levé du jour. La mer est d'huile et le lourd bateau qui n'a pas la grâce ni le charme des bâtiments de la Navigation Mixte glisse doucement, plus doucement que par le passé vers Alger.
On devinera les côtes algériennes vers 10h mais cette approche est hélas trop rapide.
Grâce à la photo numérique je compte bien immortaliser sur tous les angles cet accostage. Le spectacle qui m'attend me rend impatient et fébrile.

La partie Est de la rade apparaît en premier dans un flou de collines, puis se distinguent les maisons, les quartiers, les deux îlots de la Pointe Pescade.
Le bateau maintenant est dans l'axe de Bab El Oued surplombée par la carrière Jobert qui se détache au dessus des maisons. On approche de la balise de Nelson qui a changé de couleur, le petit chapeau conique qui la surmontait a été remplacé par une antenne radio. Un phénomène curieux durant tout ce voyage sera de remarquer des changements dans d'infimes détails, comme par exemple le chapeau conique et la couleur de cette balise qui à l'époque était rouge et blanche. Sans y avoir souvent pensé, cette balise était restée intacte au fond de ma mémoire.

 

Nous sommes maintenant en face d'Alger qui semble avoir doublé, triplé en constructions. L'émotion monte. Je voudrais que le bateau stoppe ces machines pour mieux profiter de cette offrande. A plusieurs reprises ce site magnifique de la rade d'Alger qui de loin n'a pas beaucoup changée se brouille d'un voile provoqué par une émotion difficile à contenir.
Le petit déjeuner pris il y a quelques heures avec un jeune Algérien curieux qui avait deviné ma démarche fut d'une cordialité étonnante. Plusieurs algériens voyageant seuls venus nous rejoindre à cette table de célibataires entrèrent joyeusement dans notre conversation en me précisant d'une manière assez touchante que des liens peut être inexplicables pour eux, existaient toujours entre nous. Pas un seul de ces voisins de tables n'avaient connu notre époque.

L'arrivée en bateau à Alger est poignante, les Algériens eux-mêmes, ne peuvent détacher leur regard de ce merveilleux panorama. La ville est bien plus blanche qu'avant. Les volets bleus de toutes les façades s'harmonisent bien avec l'insolente lumière qui se réfléchit sur la mer.
Maintenant Alger est là, devant moi. Avec toute mon attention je scrute chaque maison, chaque bâtiment, chaque coin de verdure. Je veux profiter le plus possible de ce panorama, l'imprimer dans ma mémoire.

Après cette approche qui dure plus de deux bonnes heures, la gorge nouée je m'apprête à débarquer. Cet instant est grave et poignant, depuis cette date maudite du 17 juin 1962, j'espérais ce retour. Nous sommes le 7 mai 2006. Quarante quatre ans, presque jour pour jour.
Revoir mon Algérie, c'est fait, je me sent déjà nettement mieux !

 

 

Alger la blanche, El Djézaïr, Icosium... j'en avais rêvé 44 ans.

 

Dans un rêve permanent je retourne souvent dans ma ville. Alger du soleil, des tempêtes, des grands jours de vent s'engouffrant dans les larges avenues de Nelson, Alger des années heureuses où nous allions partager la Mouna à Sidi Ferruch ou à Baïnem, Alger des jours de haine, de sang et de colère, Alger de mon enfance, plus belle ville ville du monde et symbole encore vivace d'une aventure heureuse et tragique de plusieurs peuples, acteurs d'une saga dont nous jouons les derniers tableaux.
L' arrivée en bateau à Alger est un spectacle inoubliable. Entre mer, montagnes et soleil, Alger, ancienne cité barbaresque et repaire de pirates concoure de beauté avec les plus rades du monde.
La baie d'Alger ouverte sur le nord, face à la France, simulant un arc de 12 km de long sur 8 km de profondeur est plaquée au pied de montagnes qui s'élèvent dès le rivage.
Les avenues qui sillonnent la ville donne l'impression de balcons qui partent à l'infini.
Sur la droite, à flan de colline, la Casbah, citadelle du XIVème siècle aux ruelles étroites. A ses pieds, la rampe Chasseriot mène à la darse, ancien port des raïs, de nos jours amirauté et port de plaisance.
C'est de ces quatre îlots, el djézaïr (en arabe les îles) reliés à la terre par les décombres de la destruction du fort l'Empereur (le Pénion) que Barberousse organise ses fructueuses expéditions en méditerranée. Cet assemblage d'Orient et d'Occident fait le charme de la capitale qui regorge de palais richement décorés du butin de la piraterie.
Marbres d'Italie, carreaux de Delph, fers forgés européens et colonnades vénitiennes enrichissent un art islamique et ottoman importé par les arabes en Barbarie et perpétué avec habileté par l'architecture néo orientale des édifices construits par les français.
Le premier balcon où l'on accède par les escaliers de la pêcherie abrite la place  du gouvernement où caracolait jadis le duc d'Orléans, fils de Louis-philippe et passionné d'Algérie, au fond l'ancienne mosquée devenue cathédrale pour redevenir mosquée est une magnifique construction byzantine qui délimite le territoire de la Casbah, site classé au patrimoine mondial de l'humanité et où il est impossible de se perdre car toutes les rues redescendent vers la mer.
Alger, cité culturelle, cité de palais et de maisons mauresques a inspiré de nombreux artistes dont le plus prestigieux d'entre eux Etienne Dinet allias Nasser Edine Dinet est entérré à Bou Saada. Ce mouvement orientaliste très à la mode au XIX ème siècle sera par la suite longtemps boudé par les amateurs d'art et atteindra après l'indépendance des côtes considérables sur le marché de l'art. Un autre grand artiste algérien Mohamed Racim marquera son époque et sera reconnu dans le monde entier pour ses enluminures.
Djemma El'Kebir, la grande mosquée, dont le minaret date du XIV ème siècle fut commencée au XI ème pour se terminer en 1837. Djemma El Jdid, la nouvelle mosquée, construite en forme de croix par un moine architecte en captivité. (qui fut attaché et exécuté au bout d'un canon après avoir avoué au dey cette particularité). Cette construction due à la piété des janissaires se trouve en plein cœur de la place du gouvernement que les vieux algériens appellent la place du cheval, surplombant la darse.
On ne saurait évoquer Alger sans mentionner le faubourg de Bab el Oued, qui a été le creuset de cette fusion d'étrangers d'où a émergé un nouveau peuple, un nouveau type d'hommes aux origines multiples, qu'on appellera d'abords les Algériens puis à partir de 1954 les pieds noirs. 
 

Une autre visite incontournable : Le monumental jardin d'essais, véritable jardin botanique de toutes les espèces subtropicales venues des toutes les colonies françaises mais aussi du Mexique, des Antilles, du Brésil, d'Asie, d'Inde et d'Australie raconte l'incroyable aventure botanique que fut l'Algérie. Les caves expérimentales d'Algérie seront le point de départ d'une viticulture moderne et d'une nouvelle science, l'œnologie, qui révolutionnera les techniques de fabrication du vin en apportant aux grand crus français une perfection scientifique qui se transmettra en Amérique et en Afrique du sud.
Deux musées, le Bardo et Stéphane Gsell, présentent les plus belles collections d'art romain, d'archéologie, d'art oriental et islamique.
Ville éclatante de lumière, murs chargés d'histoire, panoramas inoubliables où le ciel et la mer s'associent les jours de colère pour exprimer une violence que seule cette terre est capable d'engendrer.
Alger, méditerranéenne ,fière et lunatique, capitale de l'Empire et ville turbulente marquera l'histoire de son destin souvent tragique. Terre de passage et de conquête, l'histoire de ce pays sera vouée depuis la nuit des temps à une malédiction éternelle. La paix n'a jamais vraiment existé sur cette terre nord africaine où le sang a toujours coulé et où l'unité des populations et des différentes ethnies reste toujours le problème majeur d'une identité algérienne qui a du mal à s'affirmer.
Alger la bourgeoise, première ville du pays et résidence des grandes familles du grand colonat, de la haute administration et de la grande bourgeoisie française et algérienne, affichait comme toutes les capitales du monde ses quartiers riches et résidentiels. Isolés dans des palais ou de luxueuses villas d'un standing correspondant à leur fortune, cette haute société évoluait en vase clos et était pratiquement ignorée de la masse populaire. Comme partout ailleurs, deux mondes se côtoyaient sans vraiment se connaître.
Alger et ses environs, la Madrague, Baïnem, Pointe-Pescade, Sidi-Ferruch, Zéralda, Castiglione, et bien sûr Tipaza resteront pour bon nombre d'entre nous des nostalgies de mer et de soleil que notre plus célèbre écrivain immortalisera dans « Noces ». Souvenirs qui resteront soudés à nos mémoires et qui inconsciemment nous rattache à un passé révolu mêlé de regrets, de chagrins et de mélancolie.
Je retournerai certainement un jour à Alger et ce jour là sera un grand évènement.
Même si Alger sans ses Pieds Noirs n'est plus tout à fait Alger...

Loin de ressembler à la caricature qu'en fait Jules Roy, l'un des leurs, qui en caricaturant une jeunesse minoritaire des beaux quartiers restait dans la ligne de son parti, les Pieds Noirs, dans leur grande majorité, comme le soulignait Camus, ne furent spoliés que du droit tout à fait légitime de vivre et de mourir, si possible paisiblement sur leur terre.

Revoir Bab el Oued, mon ultime rêve se réalise...
Alger sans Bab el Oued, ce serait New York sans Manhattan...
En arabe la porte de l'oued, ce faubourg populaire d'Alger doit son nom à un oued qui a été recouvert et qui se trouvait jadis avenue de la Bouzareha.( bou = père, z'rhéa = graine)
Cette agglomération de 80 à 100 000 habitants essentiellement issus de la classe ouvrière était composée de juifs, de maltais, presque toujours les plus riches, d'espagnols, d'italiens plutôt pauvres et d'arabes, les plus démunis. On trouvait aussi des origines corses, alsaciennes et françaises, ainsi que de nombreux mozabites.
Plantée au pied de la carrière Jaubert qui allait donner à la ville d'Alger sa renommée d'Alger la Blanche, ce cantonnement de carriers qu'il fallait nourrir et pourvoir en fournitures de toutes sortes attira des commerçants juifs, maltais et mozabites. Ensuite arrivèrent les pauvres pêcheurs italiens, principalement napolitains, des espagnoles et en dernier lieu les républicains espagnols fuyant le franquisme. Avec bien souvent pour seuls bagages leurs coutumes et leurs traditions, tout ce monde, cosmopolite était heureux de redémarrer une vie pleine de promesses. Ils avaient tous un but commun : Réussir.
A part son nom exotique, ce quartier n'avait rien d'oriental. De grands immeubles Napoléon III bâtis sur de larges avenues débouchant sur des esplanades et jardins en escaliers surplombaient des panoramas sur la mer à vous couper le souffle. En fond sur la plus haute des collines, sur fond de ciel azur, Notre Dame d'Afrique. En cent ans, ce qui fut un exploit pour l'époque, cet immense territoire rural devint un faubourg puis une véritable ville à la porte de la capitale, avec ses quartiers bourgeois pour les plus aisés, des quartiers plus simples pour les autres et enfin des cités nouvellement créées, genre HLM, pour les derniers arrivés. (HBM. habitations bon marché).
 

 Loin des riches quartiers bourgeois de la capitale, ces faubouriens dépassaient rarement le quartier Nelson, qui finissait au lycée Bugeaud et qui était la frontière qui nous séparait de la ville d'Alger. Vivant en vase clos, presque ghetto et souvent raillés par les Algérois intra-muros, la société « babeloudienne » allait être dominée par l'influence espagnole du sud, mahonaise et italienne. Donnant naissance à un langage populaire, imagé et pittoresque, un nouveau style de folklore et un nouveau parlé immortalisé par le personnage de Cagaillous naîtra. Bien plus tard la famille Hernandez fera connaître cette exubérante société aux origines diverses et à l'incroyable culot d'afficher des sentiments pourtant sincères de leur francité.
Les nombreuses églises de Bab el Oued accueillaient une foule de nombreux paroissiens, en majorité d'origine italienne et espagnole. Les plus zélés, et ils étaient nombreux, manifestaient une dévotion qui frisait l'exhibitionnisme et la superstition. Les pèlerinages et les interminables processions à Notre Dame d'Afrique étaient célèbres et les nombreuses « mama » italiennes ou espagnoles traînaient manu militari leur progéniture pendant que leur mari, discutaillaient sport ou politique devant les comptoirs emplis de kémias des grands cafés du quartier. Certains pèlerins ironisaient-on partaient de l'avenue des consulats à pieds ou même à genoux. D' autres pour mieux expier leurs pêchers mettaient du gravier dans leurs souliers, d'autres encore des pois chiches... que les plus malins faisaient cuir avant de partir. Les 6 km qui séparaient le point de départ à la basilique étaient arpentés dans un concert de louanges, de prières et de chants.


Le Bab el Oued des cafés et des brasseries tenait une place importante dans la vie de tous les jours. L'anisette et la khémia agrémentaient ces longues soirées qui débutaient généralement vers 18h30 et qui réunissaient toujours les mêmes habitués. Les patrons de café en vrais professionnels rivalisaient d'ingéniosité pour attirer cette clientèle. Le Grand Café Riche avait pour spécialité les frites et les escargots, Chez Henri c'était les beignets de poisson, le poulpe ou la sépia, souvent devant le bar, sur deux ou trois rangers, les clients tendaient leurs verres pour se faire servir. Et dans cette ambiance survoltée c'était souvent le foot ball qui déchaînait les discussions les plus passionnées et animées. En ce temps là la politique n'était pas à l'ordre du jour.


L'invective, l'affront, l'offense, l'injure tenait une place importante, typiquement masculine et latine dans la vie de tous ces gens simples et souvent analphabètes, prêts à se passionner et à s'exprimer pour un match et bien plus tard pour la politique. Ces frères ennemis, supporters de l'ASSE ou du GSA oubliaient leurs querelles sportives permanentes pour aller affronter avec le même chauvinisme les équipes de Sidi Bel Abbes ou d'Oran.
Les épouses, quand à elles préféraient les grandes salles de cinéma qui se remplissaient comme par enchantement dès qu'un film de Luis Mariano apparaissait sur des affiches avantageusement hispanisées. La cuisine tenait une place importante et donne encore de nos jours une idée de la richesse culinaire de notre région. Cuisine juive, arabe et méditerranéenne donnera naissance à une nouvelle gastronomie toujours très appréciée.

Symbole de l'absurde et désillusion de tout un peuple face à l'incompréhension de l'histoire, les pieds noirs de Bab el Oued allaient supporter et payer chèrement la politique scabreuse du grand colonat et l'intransigeance sournoise et aveugle d'un plus grand fabulateur qu'eux, Charles De Gaulle.
Orientée par quelques familles qui se partageaient le pays, une politique incohérente entraînera tout un peuple à basculer dans le camps de la rébellion, cela dans l'indifférence la plus grande d'une métropole trop occupée à reconstruire l'après guerre.
A Bab el Oued comme partout ailleurs différentes castes sociales se côtoyaient. Les derniers arrivés étaient les plus pauvres et vivaient dans des quartiers bien délimités et construits spécialement pour eux, c'était par exemple le cas des gitans qui avaient remplacé dans des baraques les italiens qui occupaient les habitations bon marché qui s'étendaient de l'avenue des consulats à la consolation. D'autres plus anciennement établis occupaient les beaux quartiers de Bab el Oued, l'avenue de la Marne ou la rue Borély le Sapie. Les quartiers neufs des hauteurs de Bab el Oued commençaient dès les années cinquante à accueillir les familles arabes qui peuplaient les bidons villes avoisinants. Une tardive mais véritable politique de logements sociaux se mettait progressivement en place.
Tout ce monde vivait bruyamment et en friction constante qui se manifestait très tôt sur les bancs de l'école républicaine et plus tard sur les terrains de sport.


J'habitais au premier étage de la rue Mazagran, entre les escaliers du Marignan et l'avenue Malakoff. Notre immeuble de cinq étage était une grande maison familiale où régnait un esprit « kibboutzim » où chaque locataire avait vu naître plusieurs générations d'entre nous. Serrour , Manuguera, Figarolla, Chocart, Ousillou, Hadjaj, Chouraki, Pulsonne, Cohen, Gomez, Torres, Assaya, Caillemaris, Lascar, Réallé...il fallait être d'une grande politesse et les embrassades étaient nombreuses. Quand un enfant de la maison était malade, il devenait immédiatement le centre d'intérêt de toutes ces familles qui manifestaient leur solidarité et leur inquiétude par des envoies spontanées de pâtisseries orientales, juives et arabes. Chaque petit pieds noirs se retrouvait ainsi avec une multitude de tantes et d'oncles, de grands-mères et de grand pères qui au fil du temps continuaient de considérer ces enfants devenus adultes comme leur famille. Et cela c'était magnifique !

 

Bab el Oued

Tout ce monde vivait en parfaite intelligence et la rue faisait partie de notre vie. Commissionnaires arabes, marchands d'habits (ancêtre du fripier et du brocanteur), vendeurs de figues de barbaries, de tramous, de bli-blis, clochards du quartier (qui étaient des SDF privilégiés) qu'on appelait aussi « des kilos » faisaient partie de cette grande comédie où il n'était pas rare, au temps de l'Algérie heureuse, que l'un d'entre eux, Saïd ou Kaddour, sous le balcon de ma grand-mère, et à la grande joie d'un nombreux public toujours disposé à rire, s'époumone en criant : « Mémé, lance moi cent-sous !

A BeO les fêtes étaient nombreuses, chrétiens, musulmanes, juives. Chaque fête était marquée par une participation collective et par des échanges de nourritures. Je me souviens des fiançailles de Josiane Hadjaj où par tradition juive on nous mettait du hénné dans la main, de ces passages obligés chez le coiffeur du quartier lors de la barmitza de nos petits voisins, les mariages étaient les plus belles fêtes et j'ai encore le souvenir de Lili Boniche descendant les escaliers de notre maison en jouant du violon, c'était toujours pour le mariage de la fille Hadjaj ou peut être Seror.


A Bab el Oued nous avions le sang chaud. Depuis il s'est à peine refroidi. Un regard trop pesant, une remarque à peine déplacée, un mot de travers risquait à tous moments de déclencher une émeute. Ce goût ibérique du courage se développait très tôt et l'école républicaine était un excellent terrain d'entraînement. Nos maîtres nous montraient l'exemple en exerçant une éducation musclée où le sens moral avait une place importante. Il en était de même pour nos curés. Tous ceux qui se souviennent du père Streicher de St Vincent de Paul pur alsacien et pieds noirs dans l'âme garderont même adulte un souvenir de frayeur, de respect et une grande estime pour ce personnage hors du commun qui maniait aussi bien le goupillon que le coup de pieds au cul. Nos curés étaient à notre image ; turbulents.


Tous ce monde que l'on adorait et que nous craignons représentait pour nous un univers que nous assimilions à ce pays lointain qui nous fascinait et que béatement nous vénérions. La France.
Nous ne savions pas que nous nous trompions.
Gabriel Conessa, journaliste et enfant du quartier , auteur d'une livre émouvant sur Bab el Oued exprime un sentiment que nous partageons tous en soulignant que paradoxalement c'est à Bab el Oued que la guerre n'aurait jamais du avoir lieu. C'est singulièrement dans ce quartier, véritable creuset de races et de religions confondues que la guerre n'aurait jamais du avoir lieu.
Et c'est là que le plus grand choc du drame algérien s'est produit.

 

Tous ces français « à part entière », dont certains s'exprimaient encore difficilement dans leur nouvelle langue, tout ce petit monde à peine ressorti de la misère, persuadé d'appartenir corps et âme à la nation française ne pu comprendre cet abandon soudain d'une France à qui il avaient plusieurs fois prouvé leur attachement.

Leur histoire passée largement amplifiée et exploitée par une propagande savamment dosée et orchestrée par l'antenne gaulliste d'Alger, allait pousser ces simples gens à la révolte et au refus d'admettre d'autres solutions plus réalistes.

La révolte fut spontanée et soudaine, naturelle, logique et incontournable. Nous étions murs pour servir les intérêts de quiconque pourvu que ce soit dans une solution française. Il faut dire que les évènements historiques auxquels ont eu à faire face depuis la conquête les divers gouvernements ne permirent pas d'envisager sérieusement de grandes réformes pour cette colonie. La maladroite quatrième république, talonnée de près par les gaullistes, ne rata jamais une occasion d'inquiéter le peuple d'Algérie dans toutes se composantes jusqu'au jour où cinq hommes respectables décidèrent de déterrer la hache de guerre et de reprendre la lutte armée contre la France.

Tous ceux qui ont vécu l'histoire de ce quartier ne pourront pas oublier les manipulations et les manigances gaullistes qui devaient aboutir au 13 mai. L'attentat de la rue de Thebes, l'affaire du Bazooka (M.Debré), l'enterrement d'Amédee Froger ou le départ de Jacques Soustelle.
Par son engagement inconditionnel de rester français, Bab el Oued allait devenir un réservoir d'activistes qui devaient faire de ce turbulent faubourg, le jour au De Gaulle changera de politique, le bastion de l'Algérie Française.
Les derniers mois de l'Algérie Française resteront à jamais gravés dans nos mémoires.

Le blocus du quartier par des troupes commandées par le petit général Ailleret fut d'une sauvagerie encore aujourd'hui dissimulée. La répression fut sanglante, impitoyable.


Le quartier fut bombardé par hélicoptères et chasseurs T6, la troupe française composée de gardes mobiles, des droits communs recrutés dans les prisons contre remise de peine, s'en donneront à cœur joie.

Fouilles, perquisitions, arrestations, tortures ne permettront pas d'arrêter le général Salan qui s'échappera du camp retranché déguisé en pompier. Les gendarmes se vengeront sur le petit peuple de Bab el Oued qui se défendra en répondant par la même violence.

Plus de 100 morts parmi les civils. Des milliers de déportés. Bab el Oued en prenant un air de Budapest occasionnera l'une des plus grandes manifestations pacifique qu'ait connu l'Algérie et qui sur ordre se terminera par un carnage prémédité le 26 mars 1962.

 

Dès lors commença une politique de la terre brûlée, toutes les parties concernées allaient se déchirer, s'entretuer et creuser de plus en plus un fossé entre ces « désespérados » qui refusaient de quitter leur terre et un gouvernement décidé à en finir à n'importe quel prix.


Le 26 mars sera l'ultime tentative des pieds noirs à manifester leur attachement à la France. L'armée française les laissera passer deux barrages, les enfermera et leur tirera dans le dos. Le massacre aura duré 12 minutes laissant sur le tapis 82 morts, hommes, femmes et enfants.


Ce crime prémédité allait déclencher un exode difficile et une arrivée inoubliable sur le sol métropolitain. L'Algérie n'existait plus. Les pieds noirs avaient perdu leurs illusions et allaient devoir réapprendre à reconsidérer objectivement la France, un aspect de ce pays que finalement nous ne connaissions pas.


En s'amputant de l'Algérie dans les pires conditions, la France se plaçait « en état de pêché mortel » et deviendra, pour la plus grande partie d'entre nous, qu'un souvenir lointain.

 

L'aventure commence.

Marchand sur le grand balcon de la compagnie maritime, au pied de la passerelle, je réalise que je foule cette terre algérienne que j'aurais voulu baiser symboliquement comme aurait pu le faire le Pape. Ce que je fais dans ma tête en pensant à tous mes frères pieds noirs, car cette même pensée a du traverser l'esprit de plus d'un million d'exilés.
L'aventure commence. Je suis persuadé que le plus dur reste à faire. Et malgré l'émotion qui m'étreint de plus en plus, je ressent une certaine satisfaction, un certain plaisir de me retrouver enfin « chez nous ».

En débarquant ainsi, après le départ précipité que nous savons, l'accueil est fantastique. A la police, sourires complices et bienvenue, à la douane, vibrante poignée de main, au change, précipitation d'un employé qui me souhaite la BIENVENUE.

La gorge nouée...je suis ému et je souris... « Vous êtes ici, chez vous... »

DZ sur le passeport, après tout, ici, ça sert au moins à quelque chose.
La surprise et l'émotion sont totales. Ils ne nous ont pas oubliés !
L'arrivée à l'Hôtel où j'avais une réservation attire l'attention de nombreux employés de la réception qui jovialement me souhaitent tous la bienvenue au pays.


Dans la foulée et déjà pressé, après avoir déposé ma valise dans la chambre d'où la vue sur l'Amirauté est impressionnante, ma première sortie est d'aller envoyer un mail à la famille. A quelques mètres de l'hôtel sur la magnifique esplanade d'El Kettani, le commerçant du cyber après avoir jeté un coup d'œil au message que j'avais transcris en grosses lettres, sans doute pour exprimer ma joie, refuse que je le règle. J'insiste et pour toute réponse : « Bienvenue chez vous » ! C'est bouleversant et cela doit se voir.

Il est 14h passé, pressé et dans la crainte de ne pas avoir le temps de tout voir et de tout faire, je repars avec Rachid, direction la côte Ouest, par l'avenue Malakoff, St Eugène, Bain Romain, Deux Moulins, la Pointe Pescade, Baïnem, Guilloville et la Madrague.

 

Rachid

 

Rachid Hammani, je l'ai connu sur le net six mois avant de partir sur le site de Marc Morell. Nous avons à peu près le même âge et il connaît bien tous les endroits où je désire me rendre. Nous passons par le bas de Bab el Oued, mon plus grand centre d'intérêt, j'aperçois ma rue Mazagran où nous irons demain matin.


Tout a changé. Presque toujours en bien. L'avenue Malakoff est devenue une large avenue bordée d'une esplanade, sorte de forum qui a été pris sur la mer. Dès le Bastion 23, anciennes résidences des Raïs et jusqu'à l'indépendance résidences d'officiers supérieurs, jadis Boulevard Amiral Pierre, un énorme forum englobe le Kassour, contourne Nelson, l'ancienne Icosium, débouche ensuite sur l'Algéria Sport et déborde du cercle militaire pour finir après le grand boulevard Malakoff sur le coté droit du stade de St Eugène qui se retrouve aujourd'hui à gauche de la route de la corniche.
Ce surprenant boulevard piétonnier avec ses caféterias et le grand hôtel Kettani donne à ce quartier qui était jadis plutôt désert, un air de promenade des Anglais.


La vue s'étend d'un côté sur l'Amirauté, toujours aussi belle, et de l'autre, sur Notre Dame d'Afrique. Au pied du jardin Guillemin, l'ancien bain Mataresse et Padovani ont été engloutis sous le béton. La gare de Bab el Oued et la Consolation ont laissé la place à une grande artère qui rejoint le boulevard Pitolet, passe devant la salle Pétrière et rejoint le quartier de St Eugène, avec en toile de fond, la même vue imprenable sur Notre Dame d'Afrique.
Ces aménagements ont donné à ce quartier un air de modernité en même temps qu'un atout touristique considérable où les points de vue sur la Casbah, Notre Dame d'Afrique et la côte ouest sont absolument étonnants.

Du Kassour au stade de St Eugène, une magnifique esplanade...

Notre première halte fut la Pointe Pescade. Le Casino de la Corniche, propriété de l'armée est en parfait état de conservation. Quelques centaines de mètres plus bas, déception de ne pas reconnaître le village de la Pointe Pescade qui est devenu une ville grouillante. Le Sport Nautique a disparu. La Plage de chez Franco est salle et déserte. Le centre ville est méconnaissable. L'usine des ciments Lafarge parait encore plus polluante. La maison de la jolie Jacqueline Bach a bien changé, pauvre Jacqueline tu serais bouleversée de revoir la maison familiale. Assez déçu, nous repartons de suite vers Baînem que nous dépassons sans que je m'en aperçoive. Cette énorme agglomération sans frontière qui s'étale de Bab el Oued à la Madrague me désoriente complètement. Et ce n'est qu'en découvrant le Cap Caxine, que j'annonce à Rachid que nous avons dépassé Baïnem. Nous nous arrêterons au retour, car il s'agit pour moi d'une étape incontournable.
Nous rentrons à Guilloville qui en apparence n'a pas trop changé puis à la Madrague qui continue l'agglomération de Guilloville. La Madrague est méconnaissable, une énorme agglomération qui s'étend du bord de mer jusqu'à Staouléli. Les champs sablonneux qui commençaient à 50 mètres des quelques villas et cabanons de la plage se sont transformés en quartiers assez cossus si l'on en juge à la richesse architecturale des villas dont certaines sont de véritables palais.
Le petit port à plus que doublé et il semblerait que les plages d'Alger dont nous étions si fiers commencent véritablement ici.


La Madrague

 

Repartant vers l'Îlot, d'où nous apercevons le phare du Cap Caxine nous retrouvons les constructions anarchiques qui défigurent le bord de mer qui jusqu'à St Eugène ne semble plus fréquenté des algérois.
En rentrant sur Baïnem, nous nous arrêtons à Baïnem-Falaise où j'ai passé de nombreuses saisons. Premier constat, toutes les clôtures des maisons et villas ont grimpé de deux mètres en hauteur. Derrière ces murs, il y a souvent les mêmes maisons.

Dans la rue des Falaises deux algériens de mon âge viennent vers nous et je suis surpris de les entendre me citer tous les noms des anciens du quartier. J'espérais retrouver Kadour, il habitait cette maison à l'angle. Mes amis me disent qu'il habite aujourd'hui à Birmandres.

 

 Les hauts murs des habitations donnent une impression de rétrécissement. Les escaliers souvent abruptes accédant aux plages n'existent plus.

Malgré une tentative l'accès aux criques est impossible. Des constructions sur les endroits d'accès et un dépotoir sur le seul escalier possible nous empêche de descendre sur la plage. La belle vue que nous avions du haut des escaliers menant à la plage est complètement obstruée. Nos deux amis nous amènent vers tous les lieux que je leur indique et chaque fois c'est un peu la déception.


La plage mitoyenne au rocher troué, la plage des trois bancs est dans le même état. Les trois bancs ont même disparu. J'immortalise, pour une amie, par quelques photos la plage des trois bancs, une photo des deux frères, deux

rochers à fleur d'eau à huit cent mètres de la plage. Encore là l'épicerie de Grisou, le « moudchou » que nous aimions bien et qui connu une fin tragique. Encore un dernier tour, un dernier regard et nous partons, c'est vrai un peu frustrés car, c'est à peu sûr, je ne reviendrais sans doute jamais à Baïnem.

Baïnem falaises était un petit quartier de cabanons ou des familles simples vivaient à l'année et voyait grossir sa population à partir de pentecôte pour devenir le temps d'un été, un quartier balnéaire de gens modestes pour la plupart.

Jamais un étranger au quartier ne venait troubler les habitudes des riverains qui au rythme des week end et des fêtes comme pentecôte ou le 15 août, sautaient sur toutes les occasions pour se retrouver autour de mounas, de paellas, de brochettes, de sardinades,etc...

 

Plusieurs familles aisées d'Alger, de Kouba et même de France venaient l'été, profiter des centaines de petites criques que morcelait une côte très escarpée et combien poissonneuse.


La plus belle maison appartenaient à la famille Thiare, une grande famille algérienne. Elle fut rachetée par une famille juive et lyonnaise alliée de la famille Beghin ,(les grands sucriers et soyeux de Lyon) qui possédait une usine dans la vallée de la Soumam. Jacqueline Beghin, une jolie petite blonde venait chaque année retrouver la même bande de copains et de copines pieds noirs et arabes. Le docteur et pharmacien Pozzo di Borgho de l'avenue de la Marne, possédait également une très belle villa, quand au reste, cela variait de maisons convenables aux plus simples petits cabanons qui même en tôles ondulées offraient toujours aux regards un air de vacances et de bien être que je n'ai plus jamais nulle part retrouvé.

 

Nous étions privilégiés et chanceux d'évoluer dans ce décor de rêve ou certains jours de grand calme, la mer, immobile, nous offrait l'étonnante impression de vivre dans le plus beau pays du monde.
Monsieur Papillon, surnom donné par son petit fils, ancien directeur de la BNCI,

partait régulièrement à la pêche avec Boujemaa, son ami et partenaire de pêche. Quelques familles arabes, très simples, comme celle de Kaddour participaient à la vie du quartier et se retrouvaient régulièrement côte à côte sur les plages dont on dira plus tard qu'elles étaient interdites aux chiens et aux arabes. (Propos tenu par Yacef Saadi dans une fiction vidéo.) Tout ce monde pourtant si différent semblait vivre en parfaite intelligence et dans un monde en paix.
Nous étions loin de penser que nous étions des colons, d'ailleurs nos voisins algériens, le pensaient ils eux-mêmes ? Savions nous exactement le sens et la définition de ce terme et l'ampleur de son impacte sur la vie Algérienne ? Certainement pas !

Après avoir chaleureusement remercié nos deux amis de rencontre je repars cette fois assez abasourdi. Cet endroit de rêve était devenu un quartier triste, sale et populeux. Les rochers de notre enfance une immense décharge publique sauvage.

 

Cette première retrouvaille avec l'Algérie me déconcerte un peu et le retour sur Bab el Oued m'extirpe un peu de mes pensées. En passant par le centre ville de St Eugène puis par mon quartier, en remontant la rue Rochambeau, je peux apercevoir ma maison et mon balcon.

Je rentre à l'hôtel assez éprouvé par ce premier contacte avec l'Algérie, mon premier sommeil à Alger sera léger, heureusement la vue de la terrasse est superbe, la gentillesse du personnel d'une touchante délicatesse, et plusieurs chaînes algériennes de télévision dont Canal Algérie diffusent des programmes de qualité. La profusion des paraboles, qui agressent tous les édifices, font d'Alger la ville la plus francophone du monde. Ceci s'explique car après leur installation aucune redevance n'est demandée.

 

 

 

Commentaires

johnd'heuf le 06-01-2012 à 22:03:30
EsCa ne donne pas envie d'adresser un commentaire. Il y a des choses interessantes mais méfie toi de ta subjectivité de tes a priori et des desinfo que malgré toi tu reprend.J'en aurai des tonnes à dire pas toujours sympa d'ailleurs comme par exemple la reconciliationMAIS JE NE ME SUIS JAMAIS DISPUT2 AVEC le peuple algérien musulman, la preuve j'ai toujours correspondu mais les corrompus du FLN seront toujours même dans un autre monde si cela exisre mes ennemis-tu en deuil mao ami?