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Titre du blog : Notre Algérie
Auteur : hermancehenrialgerie
Date de création : 22-08-2010
 
posté le 25-08-2010 à 13:25:34

RETOUR D'UN PIEDS NOIRS 44 ANS APRES...Deuxième partie.

 Deuxième partie:

Mon Algérie, 2 ème partie.

 

5 mai 2006 il est 11h.

Salle d'embarquement de la SNCM, la joliette, Marseille.

 

La salle d'embarquement est pleine "d'arabes"...comme y dirait ce raciste de H...

Valises, couffins, odeurs et djellabahs...Tout y est! me voilà de suite plongé dans l'ambiance. Une atmosphère de souk et de pagaille d'où ressort une certaine fébrilité certainement causé par l'excitation du retour au pays.

Mon Dieu que j'aime ça !

 

Ce brouhaha aux accents familiers, cette odeur de foule et derrière les baies vitrées, ce bateau, qui à intervalles réguliers envoie, comme pour communiquer avec notre impatience, des coups de corne. L'aventure commence.

 

Dans un état second, de bien être et d'excitation, je savoure ce moment de bonheur. J'imagine que le kif doit produire cet agréable euphorie. Le rêve prend forme. Je suis au bout de quarante quatre ans d'une incroyable attente. Un vrai bonheur.

L'expérience de ce retour, je l'attendais avec une appréhension de tous les jours de ne jamais pouvoir le réaliser. Aujourd'hui, c'est fait, je vais concrétiser ce rêve, retourner à Alger, à Bab el Oued...Retourner chez moi.

 

L'expérience de ce retour, je l'attendais avec une appréhension de tous les jours de ne jamais pouvoir le réaliser. Aujourd'hui c'est fait, je vais concrétiser ce rêve, retourner à Alger, à Bab el Oued...chez moi.

Ce pèlerinage, je ne pouvais le faire qu'en solitaire afin de ne pas me laisser distraire de mes émotions, convaincu qu'il laissera un souvenir et des traces inoubliables, c'était déjà une première certitude.

 

L'expérience de ce retour, je l'attendais avec une appréhension de tous les jours de ne jamais pouvoir le réaliser. Aujourd'hui c'est fait, je vais concrétiser ce rêve, retourner à Alger, à Bab el Oued...chez moi.

Ce pèlerinage, je ne pouvais le faire qu'en solitaire afin de ne pas me laisser distraire de mes émotions, convaincu qu'il laissera un souvenir et des traces inoubliables, c'était déjà une première certitude.

J'ai écris ce récit pour exprimer ma joie, ma satisfaction et mon enthousiasme d'avoir pu enfin retrouver ma terre natale, mon bled. Mot qui prend véritablement tout son sens. 

J'ai certainement vécu là les plus beaux jours de ma vie. Je souhaiterais que cette expérience décide bon nombre de mes compatriotes à franchir avec allégresse ce rubicond qui n'est finalement qu'un tout petit ruisseau.

J'ai aussi pensé que ce voyage atténuerait la sourde colère de l'exil, traînée depuis 1962 comme un vieux rhumatisme auquel on ne s'habitue vraiment jamais.

Cette indisposante, contrariante et permanente « rabbia » mêlée de rancunes, de parti pris et  parfois de haine, j'ai du progressivement l'apprivoiser pour l'atténuer et la traduire, 44 ans après, par une attitude plus sage, pas forcement toujours domptée mais dénuée de toute rancœur. Cela reste encore très souvent pour ne pas dire toujours une épreuve que seule une honnête analyse de notre histoire me permet de surmonter.

 

Quarante cinq ans de recherches, de découvertes et de réflexion sur notre  passé souvent brocardé et il faut le dire méconnu, m'ont permis de comprendre et de vérifier des vérités qui forcement ne pouvaient que contrarier certaines versions stéréotypées de l'imagerie populaire de cette France de notre enfance.

Une autre époque nous avait habitués à auréoler de sainteté certaines méthodes coloniales. Nous en étions restés là. Naïveté ou mentalité, éducation d'un autre siècle dont nous n'avions pu réussir à nous échapper, certainement un peu des deux.

 

Certaines situations et particulièrement celles du statut capitaliste des quelques familles qui régentaient et se partageaient l'Algérie devaient influencer et modifier à court terme, la version idyllique qu'on nous traçait de notre belle Algérie Française. Face à une gigantesque misère où le petit blanc émergeait péniblement, des milliers « d'arabes » subissaient l'arrogance d'une administration inadaptée qui ne fit qu'entretenir, raviver et déclencher une révolte nationaliste jamais complètement éteinte.

Cette histoire fut pour bon nombre d'enfants de ce pays, qu'ils soient arabes, juifs ou européens, un épisode douloureux parsemé de choix, d'engagements et de souffrances. Tous y ont laissé une partie de leur vie.

 

 


La France qui à aucun moment ne fut digne et capable de s'atteler au problème algérien laissa les situations empirer laissant à l'armée puis à des gouverneurs impuissants, aux vagues notions administratives locales, le soins d' improviser des politiques dictées ou supervisées d'abord par l'armée et ensuite par le grand colonat.
Cette politique absurde de pourrissement servit de tremplin aux ambitions   

gaullistes pour se terminer en guerre civile mettant au même banc des accusés la nation et le peuple français, comme toujours  largement compromis.

Je m'aperçois toujours avec stupeur que si la haine a totalement disparue de mon discours pour tout ce qui concerne l'Algérie, ma rancune s'est à peine atténuée quand aux  comptes que la France devrait encore nous rendre.
Il en est un pour qui mon ressentiment reste intact et ma haine toujours aussi profonde : Charles de Gaulle, responsables de ce prodigieux désastre que la France a du mal à reconnaître et dont elle est seule responsable.

Pour le reste, je crois avoir réussi en partie, ce difficile exercice qui encore quelques fois continue de me jouer des tours et à nuire à la bonne interprétation de la réalité historique. Je dois dire que certaines versions avancées par l'état Algérien, reprises et encouragées par une clique gauche-caviar, (idées à gauche et portefeuille à droite), faussent passablement  le débat.

 

 

 

Associée à quelques meneurs d'associations anti gouvernementales (dont le seul but, poussé par les socialistes, est de déstabiliser l'autorité de l'état), une pseudo « intelligencia », responsable du désastre actuel que va connaître le pays, ne cesse d'envahir les nombreux débats télévisés où la contradiction que devrait apporter une introuvable élite pieds noirs, rarement la bienvenue, est inexistante.

Ce combat contre moi-même que je continue de mener est toujours une épreuve. Il constitue encore souvent pour chacun d'entre nous un difficile, voir insurmontable obstacle, car la Vérité (dans tous les camps) quelques fois nous accable.

Cette objectivité à sens unique est quelquefois insupportable. D'où les ripostes et les dérapages de certains de nos amis au sang chaud que l'on ne manque pas sournoisement d'inviter à des débats truqués, pour les jeter, après les avoir passablement «  banderillés », dans l'arène de certaines émissions télévisées.

En exploitant systématiquement et à leurs dépends, leur côté écorché vif  qui les rend agressifs et donc vulnérables, les metteurs en scène de cette nouvelle réécriture de l'histoire,  accréditent  consciencieusement et surement une falsification honteuse et inacceptable de l'histoire.

 

La Vérité n'est peut être pas toujours bonne à dire...mais rien ne nous empêche aujourd'hui en la découvrant de modifier objectivement nos points de vues et d'adapter nos revendications. Les meilleurs exemples sont les déclarations de Massu et d'Aussaresse. Nier ou ignorer ces faits semble aussi inconvenant que d'ignorer le massacre des pieds noirs ou des Harkis après le 19 mars.

 

La somme des messages d'injures, d'insidieuses insinuations ou de reproches accusateurs d'une minorité de mes compatriotes pieds noirs qui 45 ans après n'ont toujours rien compris à notre histoire qu'ils refusent d'approfondir, prouve à quel point nous étions conditionnés et manipulés.

Ces « donneurs de leçons », ces « grandes gueules » bien de chez nous, cocardiers souvent d'extrême droite aux relents racistes qui ne tolèrent pas qu'on puisse penser autrement, en utilisant des méthodes fascistes ou bolchevistes, ont préféré s'enliser dans un débat politique qui ne les concerne plus et qui n'est plus le nôtre. Et cela, au détriment de l'union jusqu'ici impossible de la communauté pieds noirs. Leur aveuglement est le même qu'à l'époque des évènements.

 

Cette minorité sectaire d'apprentis sorciers, loin de rallier l'opinion de la majorité, se contente de commémorer maladroitement, d'inaugurer bruyamment et de raviver patriotiquement des flammes qui ne font que nous caricaturer et nous projeter dans le camp des méchants nationalistes, de nous faire cataloguer et montrer du doigt. Quand je les entend encore prononcer le mot de « patrie », j'imagine l'hilarité que cela doit provoquer dans les classes politiques qui les manipulent.

Avec le temps ce type de  rassemblement associatif  s'essouffle et tend à  s'espacer. Pour en avoir fait l'expérience le repas qui suit généralement ce type de cérémonie  contribue bien souvent à la réussite de l'évènement.  

 

 

 

Jacques Roseau
"Lâchement assassiné" pour reprendre une expression utilisée à l'époque.

 

 

Le meurtre de Jacques Roseau fut le point d'orgue de cette médiocrité organisée où la bêtise, l'ignorance et l'intolérance ont fait commettre à un pauvre type le pire des crimes. Ces maniaques du 11.43 avaient encore pourtant de belles cibles   de gaullistes en lignes de mires, responsables de nombreux massacres organisés souvent avec préméditation.   

 

L'assassinat de Jacques Roseau sonnera le glas du rassemblement impossible, de la désorganisation totale de la fin d'une communauté et de la pagaille qui règne  dans nos rangs.  La même d'ailleurs qui régnait en 1962 dans l'OAS.

Quelques associations de partisans de l'Algérie Française, se réclamant légataires de la bonne cause affichent triomphalement des sentiments et des attitudes qui en temps voulu n'ont jamais porté leurs fruits. Intransigeants, sectaires, souvent racistes, s'inspirant d'un nationalisme dépassé, ils alimentent une polémique que certaines associations du type LDH exploitent habilement, consolidant un travail de désinformation qui ne fait qu'ancrer un peu plus dans les esprits que nous étions le bras armé de la colonie et ensuite de l'OAS.

 

Ce vacarme plus folklorique que réaliste, quand il ne prend pas des airs de tragédie, ne fait que retarder les grandes revendications que nous aurions du faire aboutir déjà depuis longtemps.

Cette attitude qui fait désordre donne à nos adversaires, beaucoup plus doués que nous en communication, des occasions supplémentaires de nous coller à la peau une réputation de braillards juste bons à « bouffer du bougnoule ». Ils y réussissent fort bien.

 

De victimes que nous étions, nous sommes devenus et restés des bourreaux. L'inacceptable pour nous est de toujours être montrés du doigt comme des nostalgiques de l'OAS, fer de lance de la colonie.
Continuer de glorifier cette époque et ce combat dont les maigres résultats seraient à taire, ne sert strictement à rien ou qu'à nous faire remarquer inutilement.

D'ailleurs les quelques martyres que De Gaulle nous a donné et les quelques grands chefs militaires restants ont su garder jusqu'au bout une certaine réserve. Il est à peu près sur que ceux tombés inutilement dans le djebel  ou dans le fossé de Vincennes ou d'Ivry n'approuveraient guère certaines de ces prises de positions.

Ce déballage peu représentatif et inutile d'une résistance souvent désorganisée ou qui a  rarement eu lieu prend aujourd'hui des airs  de résistance de la dernière heure. En dehors de quelques commandos composés de militaires, l'engagement des  pieds noirs fut pratiquement inexistant.( Voir l'analyse peu flatteuse du Colonel Argoud sur les pieds noirs).

Nous avons été trahis par ceux que nous aimions, par l'amour d'une France idéalisée et par celui que nous avions appelé pour assurer nos destinées dans la solution la plus française. Avec les Harkis, nous restons l'un des épisodes les plus honteux de l' histoire de France. Nous avions là assez d'arguments pour  nous faire entendre autrement qu'en vociférant sur de nombreux chapitres hors sujet.

De l'avoir trop aimée, cette France nous a mené au désastre...

Alors ne vaut-il pas mieux nous confondre en d'abominables racistes !  

 

Ce qui suit sera peut être pour certain un mode d'emploi pour renouer d'une façon plus concrète et officielle la véritable relation qui a toujours existée entre le pied noir et le peuple Algérien.

Pour quelques autres, une infime minorité en voie de disparition, un manuel de repentance, une attitude scélérate, un reniement.

A ces entêtés frères ennemis, aveuglés de rancœur et de revanches, je dirais simplement qu'ils se trompent et qu'ils ratent certainement l'une des dernières occasions qui leur est offerte de connaître l'ultime joie de renouer une relation « charnelle » et très forte avec leur terre natale.


Si certains ne peuvent entreprendre une telle démarche, et cela est fort compréhensible, qu'ils soient  persuadés que tous ceux qui optent pour un retour et un rapprochement vers leur terre natale le font d'une manière aussi sincère que spontanée et qu'en aucun cas, à bouts d'arguments, ce geste ne peut être interprété comme un reniement.

Si la tolérance n'est pas la première vertu de la communauté pied noir, le temps et l'âge  devrait être, en principe, générateurs d'apaisement. Après un demi siècle de mise en scène, de mensonges et d'interprétations falsifiées d'une histoire certainement trop honteuse pour être entièrement dévoilée, nous assistons à notre plus grand étonnement et sans que nous y soyons pour quelque chose, à un phénomène nouveau de rapprochement.

Nous devons de part et d'autre l'accepter, l'applaudir et l'encourager.

 

Les réalités quotidiennes et les évènements des 50 dernières années nous obligent des deux côtés des deux rives, à des constats catastrophiques qu'il serait indécent d'ignorer. Même si nous n'en parlons pas encore ouvertement, un accord tacite nous oblige à la réserve et je crois que pieds noirs et Algériens l'ont bien compris. Reste les discours officiels de plus en plus bafoués par un nouveau public, tant algérien que français, curieux, avide d'informations et de vérité.

Les pieds noirs, dans leur grande majorité assoupis et parfaitement intégrés ont vite été frappés d'amnésie. L'abandon moral et matériel de leurs cimetières en est la preuve la plus accablante. La diversité de nos origines et des classes sociales des populations rassemblées par le statut de la nationalité n'a pas permis en 100 ans de créer un embryon communautaire capable de forger une identité nouvelle. Il nous aurait fallu encore une cinquantaine d'année et que les mentalités évoluent sur le modèle européen. Ce qui n'est pas certain.
 

En dehors d'une minorité, la grande majorité des rapatriés d'Algérie, de retour sur le territoire national s'est diluée et s'est installée dans la société française, s'éparpillant suivant leur statut dans le tissu social et politique français où l'anonymat, l'indifférence et l'égocentrisme priment sur tout autre sentiment.
Se souciant peu des affaires de la nation, ils allaient   reconstruire une nouvelle existence et pour certains atteindre un niveau de vie inespéré.
Classés comme d' « inoffensifs » citoyens et jaugés d'entrée comme peu dangereux par un De Gaulle qui les avait parfaitement compris, ils allaient se fondre naturellement dans la société et se disperser dans l'électorat français.
Certains, aujourd'hui encore feignent d'être de bons français. Peu d'entre eux persistent à croire que les « arabes » sont les véritables responsables de leur destin malheureux. 

N'ayant aucune stratégie revendicatrice, face à l'impardonnable politique de la France en Algérie, occultée depuis 1962 par tous les gouvernements complices, tous ont laissé faire. La grande majorité continue de faire semblant et au fil du temps ne s'aperçoit même pas qu'elle est entrain de disparaître.

Déçus, trompés, trahis, seul le côté matériel d'une intégration réussie semble les avoir motivés. Peut-on aujourd'hui leur reprocher cette discrétion, ce réflexe d'immigrés ?   

Ayant fait depuis longtemps une parfaite démonstration de leur incapacité à s'unir, les pieds noirs doivent se résigner à disparaître. La seule consolation, pour une infime minorité d'entre eux, sera de laisser quelques témoignages. Une trace pour les historiens de demain qui pourront peut être faire un peu mieux que les auteurs  partiaux de cette réécriture falsifiée que nous subissons depuis 50 ans.   

Aujourd'hui, dans une ambiance malsaine, on continue de remplir les manuels d'histoire de nos enfants de versions partisanes destinées à discréditer l'œuvre de la France et à blanchir les responsables des nombreuses tueries qui ont particulièrement compromis et entaché le pouvoir gaullien.

En se confortant dans ce tissu de mensonges, la France et les français restent dans l'inexplicable tradition « anti France » qui incite depuis toujours la moitié des français à collaborer.

Ce collaborationnisme extrême, applaudi dans ce pays et condamnables en d'autres, occasionnera les nombreux dérapages que nous lui connaissons et enfantera d'illustres héros tels que Bourdarel pour l'Indochine,  les porteurs de

valises pour l'Algérie avec ses Montand, Sartre et bien d'autres, partisans déclarés  d'un terrorisme de salons  feignant d'ignorer les méthodes barbares expérimentées le plus souvent dans les bagnes communistes.

Ce terrorisme franco-français continue depuis 50 ans de fêter  ses tristes héros.

 

 

Algérien, Français, un peu des deux.


Sur le pont supérieur du Tarik Ben Zyad,  de bon coeur,  je tourne déjà le dos à ce rivage métropolitain qui n'a jamais pu  remuer en moi de sentiments affectifs profonds.

Le bateau vibre de toute son âme, des remorqueurs s'approchent pour l'éloigner du quai, quelques mouettes tournoient au dessus de la poupe déjà tournée vers le large, de l'autre côté à Alger m'attend, les hirondelles ont du arriver.

Le drapeau Algérien que je continue machinalement d'appeler le drapeau « fellagha » claque au vent. - Tiens! Je m'aperçois aujourd'hui qu'il vient de me devenir indifférent, l'égal du français...

 

Détaché sentimentalement depuis fort longtemps de tout ce qui se passe dans mon dos, je réalise une fois de plus à quel point cette terre française, que les Algériens de toutes confessions ont tant aimée souvent « par procuration » m'est complètement étrangère.

Ayant totalement refoulé depuis 1962 tous liens affectifs qui m'accrochaient à cette France que j'ai du mal à comprendre, j'ai le sentiment aujourd'hui que nous aurions du depuis longtemps opter pour une autre identité, une autre appellation « contrôlée ».

Le terme avancé depuis presque un siècle par le Cercle Algérianiste et que personne n'a encore vraiment revendiqué est certainement le mieux adapté à notre statut de déraciné : « Algérien d'expression française ».

Je ressent aujourd'hui le besoin de m'exprimer en tant que tel.
C'est le qualificatif que je revendique de plus en plus car pour moi comme pour bon nombre des miens, la France m'a définitivement quittée un certain 26 mars 1962, rue d'Isly à Alger.

Il y a bien longtemps déjà, je sus que si j'avais été Algérien musulman, mon engagement eut été celui d'un nationaliste pur et dur. Quarante cinq ans après je ne peux que confirmer.

 

Notre fierté aidant, aurions nous pu supporter le carcan d'une

domination quelconque ?

Ce qui m'autorise aujourd'hui, mieux vaut tard que jamais, à avoir plus d'indulgence pour ceux qui avaient choisi le parti de la rébellion contre la France, qu'ils soient arabes ou français, FLN ou OAS.
Dommage qu'ils aient choisi d'exercer de part et d'autre une violence et une terreur extrême et raciste sur des minorités innocentes. Mais dans le contexte de l'époque, avaient ils le choix ?
"Un mort en complet veston vaut dix morts en tenue kaki" disait Abane . C'était la stratégie du pire, de la terreur et du sang.

Si aucune famille du grand colonat ne fut inquiétée ou si jamais entre 1954 et1962, aucun puits de pétrole ou un gazoduc ne fut saboté, la raison est bien simple. Le FLN était payé par les pétroliers français avec la bénédiction du larmoyant Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement, que nous prenions à l'époque pour un type bien.

Certains officiers perdus, ceux qu'on disait « malades de l'Indochine », et dont je me sens toujours un redevable et solidaire héritier, avaient manifesté, dès leur retour de captivité, ce même sentiment. Ils restaient la seule et unique chance de l'Algérie Française car ils avaient compris qu'il était préférable de creuser des puits plutôt que de ratisser et « napalmer » le djebel .

 

Le résultat de cet immense gâchis qui débuta sous les lampions tricolores d'une France imaginaire, celle de notre enfance et qui prit fin avec le massacre de la rue d'Isly et l'abandon des harkis, m'amena rapidement au rejet définitif de cette nation qui nous avait trompé et qui continue toujours, comme le soulignait le ministre  français Senghor, de « montrer la ligne droite en empruntant les chemins les plus tortueux ».

  
Il me devint rapidement de plus en plus difficile de souffrir cette nationalité française reconnue qu'épisodiquement en périodes électorales, de supporter et de voir de nombreux « gogos » de chez nous, pourtant échaudés, sombrer dans un ridicule cocardier , illustrant le caricatural et célèbre dicton, cocu, battu et content.


Évoluer dans cette France qui pue, qui ment, qui n'en finit pas de s'auto flageller, de se compromettre et de se renier, fut longtemps une épreuve difficile dont me voilà aujourd'hui presque libéré, voir complètement étranger.

Cette incontinence intellectuelle, pour le moins décadente et dégradante de la société française, a longtemps contribué à entretenir cette aversion et à obscurcir cette réalité typiquement française de glorifier, de collaborer et de traiter avec l'anti-france.

Aujourd'hui, complètement libéré de ce complexe, je dois avouer que je m'en fiche complètement, n'espérant même plus, même secrètement qu'un dernier « caudillo » vienne remettre les pendules à l'heure.

 

Depuis 2003, et comme je l'ai déjà dit, sans que nous y soyons pour quelque chose, nous constatons qu'un nouveau chapitre de notre histoire semble vouloir s'inscrire dans le grand livre de l'Histoire.
Si l'on en croit les signes de plus en plus affirmés des Algériens à notre égard, il semblerait qu'une grande majorité d'Algériens se réjouissent de nous recevoir d'une manière chaleureuse et fraternelle, contrariant très ouvertement les discours et les opinions diffamantes de ceux qui depuis quarante cinq ans, en France, nous brocardent.
Ce phénomène de rapprochement est la plus belle réplique et un pied de nez formidable à ceux qui depuis trop longtemps nous calomnient. Dans cette France appelée à devenir une nation métissée les pieds noirs  auraient pu avoir un rôle important à tenir.

 

Cette réconciliation entre Pieds Noirs et Algériens enfin reconnue est acceptée, comprise par tous, y compris depuis peu par l'hermétique public métropolitain, est en passe de devenir un épisode reconnu qui réhabilitera sans doutes, mais dans la plus grande discrétion, notre statut d'Algérien d'expression française.

 

Ce rapprochement permettra peut être aussi de sauvegarder tout un   pan d'une histoire commune jusqu'ici méconnue et déformée. Il est surprenant de constater que les Algériens ne contestent pas, comme pourrait le faire croire le discours officiel, l'œuvre des pieds noirs en Algérie. Les attitudes agressives de leurs gouvernants ne cachent elles pas une tactique populiste qui permettrait de s'ancrer davantage au pouvoir et de prolonger encore pour un temps l'exploitation de la manne pétrolière. Les années à venir seront certainement déterminantes.

 

Sans jamais perdre de vue les réalités historiques qui de part et d'autre ont souvent été dramatiques et inexcusables, de par notre attachement viscéral à cette terre algérienne à laquelle nous continuons d'appartenir, nous aurions pu, aujourd'hui espérer jouer un rôle charnière et devenir le trait d'union, ô combien naturel de deux entités liées par le destin. C'est ce que pensent de plus en plus de nombreux compatriotes pieds noirs et algériens, peut être encore trop traumatisés pour l'avouer complètement.

 

Cette attitude spontanément mais encore trop timidement exprimée permettrait peut être de sortir de cet isolement où nous nous sommes volontairement cantonnés. En acceptant de participer et de rencontrer des hommes honnêtes et de bonne volonté animés de l'irrésistible envie de reconstruire tout un pan d'un passé pas toujours condamnable, les pieds noirs et les Algériens inscriraient d'une manière tout à fait surprenante quelques belles pages de leur histoire commune.

 

Nul ne peut plus ignorer aujourd'hui que la France coloniale ne fut pas des plus tendres avec les Algériens. Le fut elle d'ailleurs avec nous ?

Les plus optimistes et les humanistes que nous souhaitons être resteront persuadés que la Morale et l'Histoire, un jour prochain pourront réhabiliter ceux qui depuis un demi siècle drainent l'opprobre d'une nation longtemps compromise.

Les pieds noirs, du moins ceux qui le désirent, ont la chance de renaître grâce à l'affection et aux signes chaleureux de reconnaissance que leur prodiguent « leurs frères de terre ». Ce que les médias, en France comme à Alger ne manquent pas de vulgariser.

En nous propulsant ainsi sur le devant de la scène, une occasion nouvelle de nous exprimer pourrait nous être   offerte. Espérons que les moins aveugles d'entre nous, sauront persuader les plus récalcitrants, d'abandonner les attitudes réfractaires et non justifiées que nous leur connaissons.

   
Une ère nouvelle de compréhension instinctive entre Algériens de toutes origines et confessions confondues est entrain de prendre une forme inattendue. Ce phénomène se traduit par des retours massifs de pieds noirs applaudis des deux côtés par les nouvelles générations et par une étonnante surprise des métropolitains qui ne soupçonnaient pas qu'une telle complicité puisse exister.

Le film indigène, véritable détonateur, a permis une réhabilitation fulgurante d'une page volontairement égarée de notre histoire.

Les vrais Algériens, les « accrochés du bled », c'est à dire ceux qui aiment par dessus tout leur pays, manifestent de plus en plus des besoins, des envies de se rencontrer, de se retrouver et de reconstruire au grand jour une amitié qui n'avait jamais vraiment disparue.
A

ujourd'hui seulement les Harkis et les Pieds Noirs peuvent se permettre d'espérer et penser que l'Histoire commence à peine et timidement à réhabiliter leur passé.

Mektoub ! c'est écrit disent les plus fatalistes d 'entre nous...

Heureux de voir s'estomper les côtes provençales que j'ai pu tant de fois explorer par la mer dans ses moindres calanques, je ne peu m'empêcher de penser à tous ces rendez vous manqués du destin ou du hasard.

 

Cette région, il faut l'avouer est magnifique et il me reste ici et là quelques souvenirs inoubliables que je n'arrive toujours pas à classer parmi les bons ou les mauvais.  

J' ai passé là les quinze premières années de mon exil. J'aurais pu y rencontrer le succès, l'amour et me fondre dans le train-train quotidien d'une vie toute tracée, bien à la française.

Si le rebelle que je suis avait pu accéder à ce bonheur simple, il est à peu près certain que sa vie aurait pu avoir une toute autre trajectoire.

Trois fois durant cette période, le destin me refusa ou me fit manquer ces rendez-vous. Mektoub ! C'était peut être écrit comme on dit chez nous.


La première fois, ce fut dans la Drôme où pour 735000 anciens francs je fus dissuadé par un père possessif de ne pas acheter une   magnifique bâtisse sur trois hectares de terrain en bordure de rivière. Pour le même prix j'achetais une Renault 4L... Cette expérience m'appris que les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. Je n'avais même pas vingt ans...je ne savais pas.

 

La deuxième fois je ratais l'achat d'un hameau dans le haut Gard,((c)hameau dans le Hoggar) j'avais eu l'imprudence de faire visiter ce magnifique endroit à mon épouse un jour de sirocco comme il en existe exceptionnellement tous les 10 ans dans cette région. Pour le même prix, vingt mille francs, j'achetais un voilier qui me permit de caboter pendant plusieurs années autour de Marseille.

La troisième fois une rencontre manquée avec celle avec qui je croyais finir ma vie, là encore l'histoire ne se terminera pas comme prévu.
Avec fatalisme je du convenir que je ne serais jamais ni gardien de chèvres dans la Drôme ou dans le Gard, ni un condamné, même comblé, à finir sa vie de ce côté ci de la Méditerranée. Restait il d'autres raisons de s'enraciner dans un pays qui m'a toujours semblé hostile ?  

 

La vie, simple en apparence est ainsi faite, le temps passe et souvent le dérisoire, l'égocentrisme ou le besoin d'être reconnu empêchent les êtres humains d'accéder aux petits bonheurs simples de la vie. Pour les uns ce sera l'égoïsme, pour d'autres l'ambition, pour d'autres encore l'intérêt ou la cupidité. Mêlez à tout cela un brin de snobisme, d'orgueil et de prétentions et vous rendrez vite le monde impossible à vivre.

Triste monde me direz vous dans lequel, en dehors des années difficiles mais heureuses d'une jeunesse en pleine guerre d'Algérie, rien ne vint vraiment enrichir le traintrain quotidien d'une vie métropolitaine condamnée à être médiocre.

 

J'avais cru dès 1962 que l'idéalisation du pays natal et de la terre perdue allait être le ciment d'une identité à construire. D'une identité à la juive ou à l'arménienne. Le regard et l'attitude réfractaire des métropolitains a souvent contribué à faire exister et à renforcer notre "communauté" qui n'avait jamais pris conscience jusque là de son existence.

  

En me réfugiant dans une « nostalgérie » permanente, je fermais la porte à toute possibilité d'intégration, entretenant la sensation et le sentiment d'être étranger dans une métropole aux mentalités négatives. Sensation toujours persistante que j'entretiens toujours avec avec un plaisir malsain, avec la plus mauvaise foi.
Pensant que la culture de l'exil pouvait devenir un élément réunificateur en devenant le pilier de la communauté, je du vite déchanter et m'apercevoir que la diversité de nos origines étaient un véritable barrage à toute espérence d'identité.

Ceux qui comme moi, se sont engagés dans cette voie, ont pour la plupart compris leur erreur et depuis seulement quelques années commencent à évoluer. Les autres, une minorité, garderont cet esprit destructeur qui les empêchera de connaître l'apaisement et le soulagement pourtant bien mérité que pourrait leur procurer un retour au pays.


Si dans le fond il n'y a pas de deuil possible, dans la forme, grâce à la diversité de nos origines et à la découverte de notre histoire, nous pouvons espérer renouer avec notre terre dont le peuplement fut le résultat de migrations diverses. Dans ce registre, une petite place nous est attribuée.

En l'acceptant honnêtement et en faisant beaucoup d'efforts sur nous même nous pourrons, selon J.J Jordi « renouer avec le champs territorial du Maghreb, et surtout de proposer une recherche identitaire forte de plusieurs origines et influences : espagnole, italienne, allemande, maltaise, juive, arabo-musulmane et régionalo-française ! Des terres permises à défaut de promises ? »

N'ayant rien de mieux à proposer face au bilan catastrophique des associations agonisantes, je persiste à croire qu'il s'agit là de la meilleure thérapeutique contre cette « nostalgérie » épuisante qui depuis un demi siècle entame sérieusement notre joie de vivre.

Ayant perdu pour l'instant, face aux comploteurs et aux menteurs de toutes sortes, la bataille de la mémoire, il serait temps d'imaginer d'autres stratégies qui nous permettent de marquer notre époque et de laisser aux historiens de demain des indices qui leur permettent de rétablir la vérité.

En choisissant la voie de la réconciliation et du pardon, je pense avoir choisi la voie de la raison, cette même raison qui nous a si souvent manquée. Comme de plus en plus d'algériens, je souhaite aujourd'hui plus que tout, le rapprochement de tous les enfants de cette terre.

Dispersés au quatre coins du monde, leur dénominateur est une commune souffrance née de la guerre mais aussi de l'exil. La plupart de ces hommes, presque toujours meurtris, essaient, dans un même souci d'apaisement, de réunir toutes les bonnes volontés qui bien avant les états ont commencé, en précurseurs et courageusement, le grand travail de réconciliation de tous les enfants de ce pays.
Le temps passe, les jours s'enfuient, les témoins disparaissent laissant aux derniers acteurs de cette époque un sentiment de frustration, de colère et de regrets que seule la réconciliation de tous les algériens pourra dissiper, du moins atténuer.


La Vérité sous toutes ses formes, qui n'est pas toujours bonne à dire et encore moins à entendre, devra un jour éclater au grand jour. En commençant en premier par écorner passablement nos belles images d'Epinal. Il est grand temps d'ouvrir les yeux et les oreilles, il est grand temps que la France et l'Algérie arrêtent de mentir à leurs nationaux et qu'enfin des historiens compétents commencent à relater les faits sans les falsifier ni les déformer.


 

Oui la torture a existée répondant aux attentats aveugles et largement médiatisés dans le monde. Oui une répression aveugle a jeté les populations dans les bras du FLN. Oui De Gaulle s'est servi de l'Algérie pour s'emparer du pouvoir et prendre sa revanche sur les français, leur léguant à court terme un tribu de guerre à solder qui sera le métissage de la nation française.
Oui le grand colonat a toujours refusé toutes émancipations des musulmans poussant les plus pacifiques à la révolte armée, oui des français de gauche ont influencé la dérive socialiste de l'Algérie.

Oui l'armée française avait réussi sur le terrain à isoler la rébellion et à rallier une grande partie de la population musulmane.

Oui l'armée française a lâchement tiré dans le dos des pieds noirs qui manifestaient pacifiquement le 26 mars rue d'Isly, oui la France s'est compromise en envoyant des brigades spéciales de barbouzes afin de creuser de plus en plus le fossé entre les deux communautés, oui il y a eu de part et d'autre des actes barbares entraînant une escalade de la violence.

 Oui De Gaulle qui n'aimait ni les arabes, ni les pieds noirs, malgré « sa superbe intelligence » est le responsable de la plus grande tragédie du XXème siècle et de l'abandon des population musulmanes qui avaient cru en sa parole de ne jamais les abandonner.

Oui il y a eu enfin, comme le souligne M'hammed Yazzid, figure historique du FLN, « usurpation de la souveraineté populaire au profit d'options populistes. « Nous avions un système qui étouffait toute expression . On a falsifié l'Histoire. On a inventé, afin de le gérer, un passé virtuel servant les intérêts de la clique au pouvoir. Ce système perdure. Ceux qui sont aujourd'hui à la tête de l'Etat et qui parlent de démocratie et de liberté d'expression ont toujours été

contre les libertés. Avec le recul, je constate qu'en 1962 nous avons acquis une nationalité, mais pas le droit à l'exercice de la citoyenneté. » (Entretiens accordé au journal El Wattan).

Oui enfin la France est la grande responsable de ce fiasco et de toutes les conséquences auxquelles elle doit faire face aujourd'hui.

Il serait temps que les yeux s'ouvrent et que les oreilles entendent.

Il serait temps que la France retrouve ce courage qui lui fait défaut depuis quarante quatre ans et reconnaisse, comme elle l'a fait pour l'affaire Dreyfus ou le génocide juif, sa part de responsabilité dans le désastre algérien que le plus illustre des français a bâclé de la façon la plus inattendu. Aujourd'hui quelques historiens commencent timidement à reconnaître et à dénoncer le désastre gaullien.

Nous ne doutons pas que l'Histoire a commencé sa quête de Vérité et que personne ne sortira grandi.

Quand aurons nous le courage de regarder en face une fois pour toutes tous les évènements de notre longue histoire et d'admettre d'une manière bilatérale que nous avons agi trop de fois comme des barbares. Ce jour là seulement français métropolitains et algériens pourront se regarder comme se regardent aujourd'hui pieds noirs et algériens.

La France est coupable envers les Algériens, nul ne peut le nier, coupable envers les pieds noirs et les harkis, nous n'avons plus à le démontrer, coupable envers les français métropolitains qui se retrouvent aujourd'hui confrontés à des problèmes d'intégration.

En laissant un pays riche mais sinistré à une bande d'incapables, alors qu'une élite algérienne pouvait prendre le relais, en soutenant depuis l'indépendance des pouvoirs corrompus, la France est encore coupable d'avoir appauvri le peuple algérien à qui tous les espoirs démocratiques auraient été permis s'ils ne s'étaient fait voler leur révolution par des une clique de chapardeurs ou d'illuminés.

Un jour, inévitablement, le tribunal de l'Histoire instruira...

Accusée "France" levez vous !