Sur le pont supérieur du Tarik Ben Zyad, je tourne volontairement et de bon cœur le dos à cette France qui sous un temps maussade ne manque pas de me rappeler l’accueil peu chaleureux d’un certain 18 juin 1962.
Une banderole, apposée par les dockers avec l’accord du maire de Marseille, à l’entrée du port de Marseille nous souhaitait la bienvenue : « Les Pieds Noirs à la mer. » Ce même Deferre écrivait dans les colonnes du provençal… « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs. »
En réalité, la vaste majorité des pieds-noirs appartenait à la classe ouvrière ou à un prolétariat urbain de petits employés. La population était urbaine à 85 %, composée de petits fonctionnaires, artisans et commerçants, dont le revenu moyen était inférieur de 20 % à celui des Français métropolitains. Le niveau d'instruction dépassait rarement le certificat d'étude primaire. 5 % seulement étaient des agriculteurs propriétaires et les très grandes fortunes se comptaient sur les doigts d'une main.
Ayant totalement refoulé tous les liens affectifs qui m’accrochaient à ce drôle de pays qui n’a jamais été réellement le miens (et le notre), sauf quand on lui servait de chaire à canon ou de tremplin politique, je découvre et ressent aujourd’hui plus que jamais, l’impression et le besoin de m’exprimer en tant qu’algérien, « algérien d’expression française ».
C’est le qualificatif que je revendique et auquel je prétend, car pour moi et bon nombre des miens, la France de notre enfance est bien morte définitivement un certain 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger.
Ami lecteur, tu ordonneras dans l’ordre qui te convient cette série de préambules.… tant il est difficile d’aborder cette période et de raconter quelques anecdotes, même toutes simples, de la vie de cette catégorie de gens simples à laquelle j'appartiens.
Je n’ai pas réussi à concentrer sous un seul titre et dans un seul chapitre de présentation une entrée en matière digne de brosser clairement "le climat tumultueux et aux multiples facettes" des situations dans lesquelles nous évoluions tant les différences sociales étaient nombreuses et contradictoires.
J’ai longuement hésité avec de sous-titres sérieux…Introduction, prologue, notes de l’auteur, présentation, en guise d’avertissement, etc et finalement comme la dérision l’emporte presque toujours au pays du soleil j’ai choisi : Et Alors…et ouala !
Et Alors et Ouala…Un sac de nœuds bien de chez nous en guise d’entrée en matières qui je l’espère mettra en appétit les éventuels curieux.
Qu’ils découvrent au travers de ces témoignages de vie, ce que fut la grande aventure des cinq générations des nôtres, ceux qu’on appelait jadis les petits blancs de Bab el Oued avant qu’ils ne deviennent d’affreux colons « à cravaches, montés sur cadillach.
Avec les arabes et les juifs, ils bâtirent et aimèrent avec une égale passion leur terre natale qu’ils assimilaient naïvement à une France sans doute idéalisée et qui n’a peut être jamais existé.
« Je ne prétends pas être toujours d’une objectivité évidente mais « quand je vois ce que je vois et que j’entends ce que j’entends, je suis content de penser ce que je pense. »
Et alors…et ouala…
J’ai décidé de vous parler de mon Algérie, de ce pays plein d’espérances où nous n’avons pas su trouver les solutions capables de nous préserver du drame de l’exil du déracinement et de l’oublie.Sachant qu’il existe autant d’Algéries que d’Algériens, Harkis, Juifs et Pieds noirs confondus, j’ai décidé de vous livrer des impressions personnelles qui depuis 50 ans ne cessent d’évoluer.
Ces réflexions ne seront pas forcément du goût de tous mes compatriotes, qui suivant leur origine réagiront différemment. (anciens colons, administrateurs civils ou militaires, descendants d’immigrants français, enfants de républicains espagnols ou pauvres hères du pourtour du bassin méditerranéen venus tenter l’aventure dans ce qu’il croyaient être un El Dorado)
Ceux touchés par la guerre, le terrorisme aveugle ou la répression gaulliste éprouveront évidemment, et on le comprend, des réticences à pouvoir pardonner.
D’où la difficulté, depuis l’exode, d’accorder des points de vue très différents et de parvenir à une quelconque possibilité de nous entendre, de nous unir et d’afficher un front commun.
N’ayant jamais pu donner l’impression que nous représentions une identité, une culture ou une force régionale, notre histoire arrive aujourd'hui à sa fin...
et le rideau ne tardera plus à tomber.
Tous les « mansos » et les « fartasses » qui nous entourent, nous donnent trop souvent de l’urticaire.
De Benjamin Stora à Bernard Henry Lévy nous détenons la palme d’or de la connerie.
Difficile de faire pire depuis Busnach et Bacri !
Quand aux politicards et autres tripatouilleurs de l’Histoire, pseudos historiens patentés, menteurs, hypocrites et sournois troubadours, tous se retranchent avec trop d’ embrouilleurs pas très honnêtes, de gauche comme de droite, derrière de prétendus suffrages leur donnant bonne conscience . Ils devraient s’apercevoir qu’en dehors de faire parti d’une association de malfaiteurs du genre Ali Baba et les 40 voleurs, ils ne représentent qu’ une corporation d’arrivistes dont le dénominateur commun est qu’ils ne respectent pas grand-chose, ni la parole donnée, ni même le camp auquel ils appartiennent…En un mot une bande de faux-culs.
Ceci dit, pour ôter toutes ambiguïtés qui pourraient me faire classer dans le camp pas toujours très délimité de l’apartheid et de la discrimination bien à la française, le vrais pied noir qui continue de sommeiller en moi ne déteste nullement les « arabes » surtout quand ils sont algériens, ne déteste pas (ou plus) non plus les « frangaouïs » car le mépris, depuis longtemps, a cédé la place à l’indifférence et facultativement ne considère pas non plus que l’œuvre de la France en Algérie a été complètement négative.
Quand aux juifs, me considérant « goï » par accident, il m’est difficile de ne pas les apprécier à leur juste valeur. Ma grand-mère maternelle, née Tubiana par sa mère…est bien trop compromettante pour m’autoriser à émettre une quelconque opinion qui m’épinglerait sur la gandoura l’étiquette de « sionistes », ce qui n’est pas le cas, même si je considère l’état d’Israël comme un exemple à l’échelon de la planète.
A ce jour, bien que la réalité historique entache passablement la politique administrative et militaire de la France, des socialistes de l’époque et du régime gaullien en particulier, je persiste à croire qu’après avoir livrer, clés en main un magnifique pays à une bande de brigands, nous n’avons aucune raison de faire acte de repentance, si ce n’est d’avoir quitté nos frères algériens avec qui nous avons beaucoup plus d’affinités qu’avec n’importe quel bédouin du Cantal ou de Normandie.
Aujourd’hui la réalité est là. La France est appelée à s’orientaliser.
Plus personne ne peut plus nier qu’avec le temps la société française tendra de plus en plus à se métisser Ce qui pourra être une chance si la république ne se laisse pas déborder par la religion et s’oblige, pour mieux canaliser ses dérives inévitables, de rester en marge de celles ci.
Nous qui possédons une double culture "franco- algérienne" pouvons affirmer sans nous tromper, connaissant mieux aujourd’hui l’état d’esprit fuyant de certains gaulois, que l’épreuve pour sauvegarder la République sera rude.
Aujourd’hui la France se trouve dans la merde et nous avec. Ce que la superbe intelligence du dernier Badinguet de l’histoire n’avait pas prévu.
Demain, sans aucun doute, le suffrage démocratique accordera gain de cause à la majorité galopante d’une France métissée et dogmatique, qui avec la clique d'imbéciles de gauche, bravitude et compagnie et une majorité de « veaux » indifférents de droite, fera progressivement basculer l’ordre républicain dans une ambiance de souks que Sarkozy est entrain d'orchestrer.
Nous avons pu avoir une avant première lors de la prestation de Khadafi devant une bande de matrones africaines invitées à venir cracher dans la soupe.
Blason D'Hussein Dey
Faubourg d'ALGER
Et si la France de Voltaire se laisse dépasser par celle d’Ibn Khaldoun, à défaut de triomphalisme bien à la française, ils (les français) ne pourrons que se féliciter de s' être enrichis, faute de mieux, d’un nouveau patrimoine, culturel, il va sans dire.
En attendant, les « souchiens », (comprenez les français de souche, à en croire « la passionaria » des indigènes de la République), continuent de glorifier et d’encenser la mémoire du grand Charles, qui à l’inverse de celui de Poitiers, permettra d’ici peu non seulement aux Lorrains qui se reconnaissent dans la célèbre marche, mais à tous « les hexagonaux », de changer leurs sabots contre des babouches. C’est d’ailleurs nettement plus pratique et confortable…surtout pour fuir.
Demain… si la « rhaïta et le derbooka » remplacent le son
Ce travail je l’ai commencé il y a fort longtemps…Il s’agit d’une succession d’articles, qu’en bon pied noir je destinais régulièrement à la presse régionale et associative avec la désagréable habitude d’en recevoir peu d’échos.
Après cet incroyable retour au pays, quarante quatre ans après, j’ai voulu rassembler autour du récit de mon voyage à Alger, tous ces écrits qui reflètent les sentiments amers que nous traînons et que nous traînerons, hélas, encore de nombreuses années.
Ecrit dans un français approximatif, j’ai voulu utiliser par moment le langage parlé de ma rue, de mon quartier, celui de Bab el Oued, mot magique qui désigne un faubourg populaire jadis communiste qui illustre à lui seul la merveilleuse saga du petit peuple qu’on appelait les petits blancs ou encore les Algériens, avant de les cataloguer de « Pieds Noirs ».
Certains de mes « bons » amis pourront toujours dire qu’avant d’écrire ce qui pourrait devenir un livre y vaut mieux aller s’apprendre à lire et à écrire le français.
Y z’ont pas entièrement tort paceque mes seuls diplômes y sont dans l’ordre le Certificat d’Études passé en 1960 à Alger, le brevet sportif et le brevet parachutiste.
Désolé j’ai pas pu faire mieux !
Comme je suis passé direct de la cinquième à la troisième, en allant un jour sur trois à l’école ( à Bab el Oued pour causes que vous savez), et que arrivé en France, si j’avais du redoubler je s’rais arrivé en première avec femme et enfant, mon père, il a préféré me mettre dans une école privée, une voie de garage, une garderie pour adultes, un parking payant en queques sortes, où j’ai été forcé, tant bien que mal, d’ assister « bessif » aux cours jusqu’à la l’âge de presque 20 ans.
« Il en restera toujours quelque chose ! » disait il résigné et il avait bien raison.
Cette école, c'était un grand Bazar mixte tellement sympa qu’on râlait quand arrivaient le vendredi soir et si le sort y m’avait fait naître ailleurs que dans ce maudit faubourg de Bab el Oued, cette période « troublante » de paix aurait pu être ce qu’on appelle avec nostalgie, le bon temps.
Traînant l’Algérie comme un boulet, j’ai du faire avec et vivre pendant 44 ans d’exil, avec mes doutes, mes incertitudes et mes regrets…apportant régulièrement avec la plus grande honnêteté possible des corrections constantes sur une histoire atroce dont on ne connaît pas encore toutes les dérives. C’est dans la complicité et l’amitié sincère de mes amis algériens, que m’apparaît enfin aujourd’hui le bout du tunnel. Chemin que mes frères Pieds Noirs n’ont pas su me montrer, peut être parce que trop meurtris.
Staoueli
Si aujourd’hui l’avenir m’apparaît légèrement plus serein, je le dois à ce fantastique pèlerinage effectué en mai 2006 qui a fini de faire de moi un véritable algérien effaçant définitivement mes dernières et maigres accointances avec cette France marâtre qu’il me sera difficile, voir impossible de pardonner.
Aujourd’hui, plus que jamais mon cœur est Algérien, et c’est avec une grande émotion, partagée par un grand nombre des miens, que j’aime me définir comme tel. «Algérien d’expression française ». Particularité, distinction de plus en plus reconnue par ceux qui nous appellent leurs frères de terre, les Algériens.
Ce terme magique qui englobe en trois mots toute notre différence et notre originalité correspond mieux à ce que nous sommes et nous autorise désormais à aborder différemment l’histoire du pays retrouvé, sans pour autant renier un passé dont nous devons être fiers.
Libre de pouvoir à tous moments retourner au bled et d’y être prodigieusement accueillis, une nouvelle et dernière histoire d’amour est peut être entrain de naître ou de renaître… peut être est ce toujours la même !
Polo mon fils viens que j’ te présente !
Polo, c’est le rôle de Robert Castel dans la famille Hernandez, c’est aussi le symbole du petit pieds noirs pataouette, de la tchatche et d’un humour bien de chez nous qui aux moments les plus sombres de notre histoire nous a souvent permis de rire sur nous mêmes et de masquer nos sanglots. C’est aussi l’histoire banalisée de la souffrance de nombreux adolescents qui n’eurent pas la chance de vivre l’époque insouciante d’une jeunesse au soleil comme a pu la vivre Albert Camus.
Polo, c’est un enfant de Bab el Oued comme il y en avait des centaines dans ce haut lieu de la colonisation. Cet enfant d’là bas, comme tous ses p’tits copains arabes, juifs où comme lui d’origine incertaine, il était persuadé qu’ses ancêtres c’était tous des gaulois… depuis il a compris pourquoi qu’les français y z ‘avaient choisi le coq comme emblème…paceque c’est le seul animal qui continue de chanter avec les deux pieds dans la merde. Ça c’est une citation que je suis jaloux de celui qui l'a inventée.
Son enfance, à Polo, ou plutôt son adolescence comme y disent les pédagogues, elle s’est passée dans une ambiance de guerre que l’habitude elle lui faisait plus faire enttention. En Algérie, la terre elle tremblait souvent engloutissant des villes entières, mais c’était rien à côté du tremblement de terre gaulliste qui nous attendait et qui comme toutes les catastrophes naturelles qui respectent les lois de la probabilité, elle risquent de se reproduire, mais cette fois ci avec les patos à la place des pieds noirs.
Avant qu’la schoumoune elle nous tombe sur la tête, comme y dit si bien ce brave Jean Pierre, Polo y grandissait dans une atmosphère de joie, d’espérance mais aussi de deuil, de peur et d’angoisse. A 16 ou 17 ans, Polo c’était déjà un homme. Un homme triste et révolté. Tu verras elle lui disait sa mère, avec l’âge tu changeras ! mais lui, Polo, y savait bien qu’il ne changerait jamais, non jamais. A 16 ou 17 ans, Polo, il est parti laissant derrière lui son Algérie d’enfant, ses p’tits copains de Bab el Oued, ceux là de l’été au cabanon, ceux là de son école qu’il aura vu en flammes avant de partir.
Pendant que ses copains pieds noirs, qui manifestaient déjà de nombreux symptômes d’amnésie, y découvraient dans les "bouffas" les mœurs faciles des filles de France, lui Polo, y s’acharnait à leur pourrir la vie en les harcelant avec l’Union Française pour l’Amnistie. A cette époque plus de 4000 des nôtres croupissaient dans les prisons gaulliennes. Ils avaient remplacé dans les geôles du Pinochet des français les héros du FLN qu’on venait de libérer.
Quarante cinq ans après, grâce à Dieu, Polo comme Julio, y l’a pas changé.
De son Algérie, de son quartier, de son cabanon, Polo dans son cœur il en fait un mausolée et dans sa tête il sait qu’un jour, avant de partir, il retournera vers cette terre et ses habitants qu’il n’a jamais oublié et pour laquelle, même si ça dérange encore quelques excités, il ressent un trop plein d’affection.
Alors Polo, en attendant y continue d’ouvrir sa grande gueule pour dire aux français de France et à tous les coulos qui z’ont pas envie de l’entendre, ce qu’il a sur l’estomac, sur le cœur et ailleurs.
Depuis 45 ans, il répète comme le petit chien de la voix de son maître que tous ces malheurs c’est à cause de cet espèce de fumier de Colombey que depuis qu’il est enterré là bas, y parait qu’l’herbe elle s’arrête plus d' pousser. Polo, la France, y peut pas s’la voir en peinture ni au naturel, à se demander si des fois il regrette pas de ne pas être né avec une djellaba.
Polo y va bientôt avoir 62 ans, cette France où il n’a jamais voté, elle continue de lui donner la galle bédouine. Son rêve impossible ce s’rait une Algérie débarrassée de ces thermites et dont l’issue finale ne peut être que l’écroulement de 50 ans de tricheries.
Une Algérie qui ne demanderait plus de visas aux pieds noirs, une Algérie qui honorerait sans distinction tous ses morts, tous ses habitants, tous ses enfants.
Une Algérie qui par ses richesses reprendrait la place qui lui revient dans le monde…une Algérie…ouais... si tu préfères pour simplifier ou pour aller plus vite, une Algérie presque française…Mais Polo y sait très bien que cela n’est qu’un rêve…mais ce babao y continue toujours d’y croire.
Ses héros à Polo, c’était pas Robin des bois ou Ivanhoé mais tous ces officiers perdus, la plupart des patos qui avaient sacrifié leur vie et celles de leur familles pour le respect de la parole donnée, c’est aussi ceux tombés au fort d’Ivry ou de Vincennes ces petits matins froids de l’hiver 63…
Ses héros auraient pu être très certainement Ben Boulaïd ou Ben Medhi s’il avait été dans l’autre camp…ça Polo, il l’a compris depuis longtemps…aujourd’hui c’est plus qu’une certitude, et c’est aussi une sorte de « sésame » pour mieux comprendre et discerner son histoire.
Une anecdote vient souvent hanter ses souvenir : la mémoire de Djamel. Djamel Hafiz était le demi frère de Gérard, Daniel et Isabelle, ses cousins germains dont la mère française avait épousé un Hafiz. Djamel, garçon très doux, d’une gentillesse et d’un physique plutôt remarqué jouait au foot au FCR de la rue Cadix avec ses demi frères qu’il fréquentait de la façon la plus familiale. Un jour Djamel disparut et nous apprîmes avec stupeur qu’il était monté au maquis d’Amirouche où il fut victime, comme de nombreux citadins ou intellectuels de la paranoïa du chef Kabyle. La bleuite.
Henri, son demi frère choisit l'autre camp, celui de l'Algérie Française.
Siméon, son autre demi frère devint adjoint au maire de Georges Fontes à Béziers.
A cette époque, complètement déboussolé, Polo en avait gros sur le cœur, tout naturellement il fut volontaire, comme beaucoup de jeunes pieds noirs, pour rejoindre les paras. Cette étape incontournable, inévitable s’imposait comme un devoir de reconnaissance sacrée. Même si la guerre d’Algérie était finie depuis plus de trois ans, il désirait, par ce passage obligé, honorer une dette, franchir le cap de cette virile initiation qui le rapprocherait, pensait il, de ceux dont il se sentait solidaire. Ce fut sur le plan affectif et personnel une expérience bénéfique qui hélas n’atténuera en rien son aversion du pays félon engagé pour onze années dans l’ escalade de la dictature gaullienne.
Quand il fut breveté il fit saoir qu’il ne pouvait pas porter cet uniforme, ni saluer ce drapeau à jamais souillé, un torchon clamait il, qu’il ne reconnaissait plus et qui lui donnait la nausée. Au 3ème RPIMA, un officier blasé, intelligent, écoeuré ou simplement un peu des trois, où pour ne pas s’attirer la foudre de la sécurité militaire, prit la décision de le faire muter dans le train, à Toul.
Après plusieurs semaines de mises en scènes qu’ « ils » (les gaullistes) croyaient persuasives, un insignifiant colonel à qui Polo ne s’était pas privé de déballer son sac jugea qu’il était indésirable dans les rangs de cette nouvelle armée française que De Gaulle venait de décimer. On le renvoya fermement et définitivement dans ses foyers.Vraiment tous des falsos !
Lui Polo, il fut certainement déçu, peut être même vexé de ne pas avoir été admis dans les geôles de la république où tant de monde, la plupart des gens biens, croupissaient déjà depuis trois ans. Alors commença pour Polo une longue période de frustration et ses pensées elles se mirent à voyager du côté de Fresnes, de St Maurice l’Ardoise, de la Santé à l’île de Ré où ses héros, ses amis, ses frères continuaient de se comporter en hommes. Jusqu’en 1966 où l’amnistie partielle fut déclarée, la vie de Polo fut perturbée, entretenant une aversion de plus en plus marquée envers la France gaulliste.
C’est pourquoi quand Polo, aujourd’hui, y s’entend cette bande de mangeurs de merguez qui z’ avaient son âge à la même époque et qui songeaient plus à bringuer ou à se faire une carrière (souvent dans les rangs d’administrations honteuses comme l’armée ) il a encore souvent envie de dégueuler, de changer d’origines et même d’accent. Cet enfant de Bab el Oued, complètement déstabilisé, voir traumatisé, fut donc contraint de ravaler sa peine. Condamné à s’asseoir comme le dit si bien le poète arabe, au bord de la rivière pour attendre de voir passer les cadavres de ses ennemis, Polo apprendra la patience. Quarante cinq ans après, même si de nombreux cadavres sont déjà passés, le compte n’est pas complètement atteint. Mais Polo, il est patient.
Polo arrête, elle lui disait sa mère…tu vas encore nous faire remarquer !
Alors Polo, comme tous les perdants s’est mis à chercher, à vouloir comprendre.
Une chose était certaine, dans le cœur de cet écorché vif, brillait encore un résidu de quelque chose d’indéfinissable, qui au fil des années a pris forme pour devenir, un demi siècle après un paisible sentiment d’analyse. Ce n'est qu'en 2007 que Polo, perturbé par le discours d'un autre nabot d'immigré, se décida à s'inscrire sur les listes électorales et comme en 58, apporta son suffrage à un autre menteur qui avait promis le geste impossible de reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide des harkis.
En essayant souvent de se mettre dans la peau de ses adversaires préférés, pas les français, les arabes, il découvrira rapidement que l’autre camp avait toutes les bonnes raisons du monde de se rebeller et si au lieu de s’appeler Polo il était né Mustapha ou Omar, Polo il serait certainement devenu le roi des fellaghas.
Ce qui est sur aujourd’hui, c’est que Polo, malgré les méthodes barbares et inhumaines employées des deux côtés, respecte l’engagement des deux camps.
En aucun cas il n’accordera la moindre circonstance atténuante à ceux qui ont trahi ou renié leur parole, ni à ceux qui dans les deux, (puis les trois camps) utilisèrent
les méthodes barbares (dénoncées, sinon reconnues aujourd'hui) et qui sacrifièrent de trop nombreux civils innocents.
On nous a enseigné pendant plus d’ un siècle que nos ancêtres étaient des gaulois et nous l’avons cru !
Que nous étions des français à part entière…et nous l’avons cru !
Que la grandeur de la France était sans égale et que ce noble et beau pays, phare de l’humanité rayonnait sur la terre entière sans que le soleil ne se couche jamais sur son empire…et nous l’avons cru ! Et puis … ce fut le chaos.
Aujourd’hui dans un discours communautariste appelant de plus en plus au désordre, un grand nombre de français, pas seulement originaires de l’immigration, s’acharnent à ré écrire l’histoire. Soutenu par une gauche en déroute mais toujours aussi opportuniste, ils entretiennent avec la bénédiction des personnages les plus « faisandés » de cette gauche caviar dont Sartre fut la plus sordide caricature, ce lamentable discours victimaire, appelant à voir condamner certains évènements de l’histoire de France, selon les règles et les critères de notre époque. Histoire où sont mêlés et compromis, sans que cela ne les gêne le moins du monde, les plus grands noms du socialisme français, organisateurs du système colonial purs et durs du XIXè et du XXè siècle.
Cette attitude audacieuse reprise en cœur par une presse à sensations, soutenue par des maîtres à penser à l’esprit crasseux et appuyés par d’opportunistes chasseurs de voix, n’ont d’autres but que de raviver des souffrances et des haines qui n’existaient peut être même pas à l’époque.
L’opinion publique (qui n’en a que faire), de plus en plus conditionnée et préparée par ce discours victimaire à sens unique, visant à reconnaître des droits sous forme de dette, donnera tôt ou tard son aval à ces revendications soutenues par la gauche qui pour revenir au pouvoir est prête une fois de plus à toutes les compromissions, voir tous les sacrilèges.
Voila pourquoi il est primordial et urgent en ce qui concerne particulièrement la relation France-Algérie, de bien définir une fois pour toutes des règles qui permettent un dialogue constructif et honnête sur les bases d’un respect mutuel des mémoires. Mais nous en sommes loin.
Dans les rapports entre les peuples pieds noirs et algériens, il semblerait que d’un commun accord tacite les deux parties, connaissant bien leur histoire, aient compris l’importance de cette règle de ne pas déclencher un étalage morbide de bilans, comme par exemple le massacre de Sétif, où des assassinats aveugles et barbares ont pu aboutir à une répression du même type. D’ailleurs l’attitude des autorités Algériennes prouve qu’elles ne désirent pas entrer dans les détails sanglants qui endeuillèrent de nombreuses familles européennes qui n’avaient qu’une tare : être européens.
Au nom de quoi les Algériens, dont la grande majorité, souvent contrainte, bascula tardivement dans le camp des nationalistes devraient s’excuser de crimes commis par une minorité ou d’illuminé comme Zirhout Youssef qui déclencha, aujourd’hui on le sait, cette manifestation qui surpris même la direction de FLN et dont le but recherché fut une répression sanglante et largement médiatisée.
Au nom de quoi les Pieds Noirs devraient s’excuser des ratissages et des corvées de bois dont ils n’étaient nullement responsables. Au nom de quoi ces populations, dont le point commun est d’avoir été complètement terrorisées et manipulées, devraient s’excuser de crimes qu’elles n’ont pas commis.
De part et d’autres trop de dérapages sanglants que tout le monde connaît et qu’il est inutile de maquiller avantageusement selon la cause, sont suffisamment connus pour que dans tous les camps, on puisse adopter un statu quo et laisser aux historiens (aux vrais) le temps de replacer ces épisodes dans l’Histoire, selon le contexte de l’époque, en attendant qu’un jour l’ouverture des archives viennent infirmer ou confirmer ces évènements que l’on ne peut que regretter.
Pour clore cette première réflexion, l’important est de préserver le devoir de mémoire car il est des évènements qu’il est important de ne pas oublier. Il est indispensable d’associer à ce devoir celui du recul et de l’apaisement des haines et des culpabilités. Oublions les dettes morales et les revanches, cessons de régler des comptes et d’étaler les bilans morbides toujours exagérés, qui ne débouchent que sur des impasses.
Il aura fallu 45 ans pour que s’officialise la réconciliation des deux peuples algériens et Pieds Noirs et que les opinions publiques, surprises, prennent conscience de l’importance de ces retrouvailles qui bousculent un temps soit peu les interprétations imaginaires et mensongères d’une presse qui depuis longtemps bafoue les règles de la partialité.
En dehors de quelques minorités qui alimentent de part et d’autre des fonds de commerce à consonances extrémistes et racistes, la grande majorité des concernés s’accordent à dire que le temps du grand pardon est arrivé.
Il serait temps que les états fassent les gestes qui apaisent et qui permettent une réconciliation définitive de tous les enfants d’Algérie, sans distinction aucune. C’est en tous cas le vœux le plus cher de tous ceux qui aujourd’hui font l’effort de porter un regard différent sur l’autre rive et qui en retirent l’ultime satisfaction de voir renforcer une fraternité déjà existante.
Ce symbole indiscutable de fraternisation entre algérien et pieds noirs devrait être perçu comme un atout exceptionnel, véritable clé des futurs relations franco algériennes, car elles sont bien réelles.
Voilà pourquoi l’heure n’est pas à la repentance. La colonisation à la française n'a en rien enfanté le « nazisme » ni le sous-développement actuel des anciennes colonies. Certains adeptes de la théorie de l’auto flagellation utilisent le passé de la France à des fins politiques ou idéologiques, allant jusqu’aux théories les plus osées, feignant de savoir que loin de remplir les caisses de l’Etat, les colonies se sont révélées de véritables tonneaux des Danaïdes.
Que tous ceux qui soutenaient il y a un quart de siècle tous ces bâtisseurs de bagnes qui ont ensanglantés la planète et qui continuent dans quelques salons parisiens à la mode de dispenser le discours flagellatoire de la repentance trouvent un autre terrain de jeux car ils ont perdu !
Messieurs les accusateurs, « soixant-huitards » attardés mus en révolutionnaires de salons, vous vouliez tuer la France… si ce n'est chose faite, vous l'avez au moins estropiée à vie.
Ce nom qui jadis sonnait bien, vous l’avez terni, souillé, vandalisé ! A vous entendre le sang dégouline à toutes les pages de son histoire et vous avez fait de ces couards de français, preuves à l’appui, le peuple le plus belliqueux de la terre.
Que ces turpitudes cessent ! Depuis 1968, vous pourrissez la France et si aujourd’hui vous faites rimer repentance et décadence, ne vous étonnez pas que demain vos enfants basculent dans les extrêmes, si ce n’est déjà fait !
Il est vrai que la France métissée de demain risque de devenir soit une bouée de sauvetage quelque peu percée, et peut être même le seul espoir d'un tout autre renouveau, soit un terrain de guerre civile. Souhaitons toutes fois qu’un vieil atavisme renaissant ne prédispose les quelques irréductibles descendants d'Obelix à une chasse à l’homme qui rappellerait des temps pas si lointains.
La France, disait le maréchal Juin en 1962, est en état de péché mortel, l’heure du châtiment serait il arrivé ?